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Le salut du corbeau

Le salut du corbeau

Titel: Le salut du corbeau Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Marie Bourassa
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en train de lui échapper, même le temps ; ses cheveux avaient depuis peu commencé à prendre une teinte de paille. Il eut l’envie irrésistible de mordre dans un bon mazapane*, de s’en coller les dents jusqu’à se persuader qu’il n’était jamais reparti d’Espagne, d’où provenaient ces friandises. Après avoir tenté en vain de se meubler l’esprit avec de la cervoise, en la compagnie monnayable des dames de la rue Clatigny (76) , il ressentait un besoin subit d’enfance.
    Une main pâle surgie de nulle part se plaqua soudain sur son épaule.
    — Est-ce moi que tu cherches ? demanda d’une voix très aimable un homme non encore visible.
    Même s’il sentait ses genoux prêts à se dérober sous lui, Sam fit volte-face et affronta celui qui avait parlé. Il eut la surprise de découvrir un homme âgé élégamment vêtu et portant une longue barbe. L’imposant personnage, qui n’était pas sans évoquer un patriarche biblique, lui sourit.
    — T’ai-je fait peur ? Toutes mes excuses. Alors, me cherchais-tu ?
    — Je ne saurais le dire. Ça dépend de qui vous êtes.
    — Voilà qui est fort prudent comme réponse. J’ai nom Nicolas Flamel.
    — Très heureux. Mais non, vous n’êtes pas celui que je cherche.
    — En es-tu bien sûr ? Enfin, peu importe, puisque moi, je te cherchais.
    — Je… comment ? Vous me connaissez ? bafouilla Sam, éberlué.
    — Mais comme de raison, dit le personnage en désignant le tartan. Il se trouve que nous avons un ami commun qui t’a fort bien décrit dans une des correspondances que j’ai eu le bonheur d’avoir avec lui.
    — Ah bon. Puis-je savoir qui ?
    — Si tu veux bien te donner la peine de me suivre jusque chez moi, je t’expliquerai tout cela. J’habite à l’angle des rues Marivaulx et des Écrivains. Étant donné que je parle d’abondance, nous y serons plus à l’aise.
    — Il me semblait que votre nom m’était familier. Vos manières aussi, dit l’Écossais avec un sourire grimaçant. Vous êtes l’ami de notre aumônier.
    Nicolas Flamel sourit en acquiesçant.
    — Les gens me disent alchimiste. Ils pensent que je détiens le secret de la transmutation du plomb en or.
    — Je l’ai ouï dire, en effet. Est-ce vrai ?
    Le mystérieux personnage caressa pensivement sa barbe et finit par hausser les épaules.
    — En quelque sorte. Mon travail est très perturbateur. Les gens n’apprécient guère ce qui dérange leurs petites habitudes ; ils ont donc une propension instinctive à en faire quelque chose d’occulte, d’incompréhensible, de façon à ce que cela ne vienne plus les importuner. Sans doute est-ce inconscient de leur part. Combien de fois suis-je passé près d’abandonner mes recherches devenues trop périlleuses et ce, jusqu’au jour où je me suis rendu compte que le Tout-Puissant voulait que les choses soient ainsi. Il n’est pas donné à tous de comprendre au même moment. Tu viens ?
    — Eh bien… bon, d’accord.
    De mauvaise grâce, Sam suivit le bourgeois dont la démarche trahissait la vigueur. Sans ralentir, Flamel regarda le ciel et dit :
    — Dès que je t’ai aperçu, j’ai su que tu comprendrais. Ça se voit au premier coup d’œil.
    — Euh… je ne suis pas sûr de vous suivre dans vos propos. Qu’avez-vous vu, au juste ? Je n’ai guère le temps d’écouter des histoires.
    — Non, vraiment ? On m’a pourtant dit que tu souhaitais te faire ménétrier*.
    — Oui, mais…
    — Comment se fait-il que tu n’aies pas le temps ? Les histoires sont pourtant un bien précieux.
    — Parce qu’un bien plus précieux qu’elles m’a été enlevé.
    Le libraire s’approcha de Sam, qui détourna le regard.
    — C’est-à-dire ?
    Le visiteur déglutit péniblement avant de consentir à répondre :
    — Mon fils.
    Et il précisa, d’une voix émue :
    — Il s’appelle Adam, en mémoire de mon grand-père.
    Flamel sourit.
    — Je sais. Cet enfant représente fort bien le premier homme dont il porte le nom. Celui qui, à la création, reçut un fardeau nommé conscience. Mais ce que l’on ne dit pas, ou si peu, c’est qu’il a été donné aux descendants de ce premier homme de connaître quelque chose d’infiniment plus grand, quelque chose qui donne à l’existence la force motrice de l’émoi, ainsi qu’un but, un motif justifiable.
    — Je ne comprends pas.
    — Certains passent leur vie entière à s’étioler dans l’attente d’un de ces

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