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Le salut du corbeau

Le salut du corbeau

Titel: Le salut du corbeau Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Marie Bourassa
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lui, reposait un précieux manuel dont la couverture de cuir ouvragé le fascina tant qu’il dut poser son bougeoir afin de mieux l’étudier. Il se demanda quel genre d’écrit pouvait protéger une reliure aussi somptueuse. Alors qu’il s’apprêtait à consulter l’ouvrage, le libraire dit :
    — C’est un livre d’heures.
    Flamel disparut de son coin auréolé par la lueur flageolante de l’autre chandelle pour réapparaître silencieusement juste à côté du visiteur. Sam sursauta. La main du libraire caressa le cuir doux du livre et il soupira.
    — Il est splendide, n’est-ce pas ? Même fermés, les livres demeurent les gardiens de tout le savoir qui y est consigné. Cela ne cesse de m’émerveiller. Ils sont à la ressemblance de leur créateur, l’esprit humain. Ne trouves-tu pas ?
    — Euh… sûrement, oui.
    — Enfant, je demeurais longuement parmi eux, comme ceci, sans même les ouvrir. Ainsi chacun d’eux conservait-il encore tous ses mystères, et mon imagination se plaisait à y folâtrer impunément. J’ai toujours souhaité créer un livre.
    Les pages enluminées de l’ouvrage se dévoilèrent à eux. La main d’artiste de Nicolas s’abaissa solennellement sur elles comme pour les bénir.
    — Il y a tant d’odeurs, de musique et d’images. Il y a si peu de mots.
    Le libraire se hâta de débarrasser un tabouret de son fardeau de grimoires.
    — Viens là. Viens t’asseoir.
    Il offrit à Sam la tasse lustrée qui avait patienté sur sa pile de livres.
    — Voici au moins de quoi nous éclaircir les idées et nous humecter le gosier.
    Flamel s’empressa de dégager un second tabouret pour s’asseoir à son tour. Il prit le récipient des mains de son invité et le porta à ses lèvres avant de le lui remettre. Le visiteur y trempa également les lèvres.
    — Pas mauvais. Merci, dit Sam.
    — Il n’y a pas de quoi.
    — Je ne suis guère accoutumé au vin même si, chez moi, on en buvait. Je m’en tiens plutôt à l’eau-de-vie et à l’hydromel. À la cervoise, aussi.
    — J’ai toujours eu un faible pour ce petit vin d’Argenteuil. Il se laisse boire volontiers.
    Flamel se releva, le temps de rapporter un pain qui ressemblait à une grosse pépite d’or à la lueur de la flamme. Il dit :
    — Je ne peux plus me passer de ce pain de bouche* qui manifeste de l’indulgence à la fois pour ma dentition fragile et pour ma propension à la gourmandise. Tiens, goûte, mon garçon. Tu m’en donneras des nouvelles.
    L’invité, docile, en rompit distraitement un morceau et mordit dedans. Sa mastication se ralentit dès les premières secondes.
    — C’est vrai qu’il est bon. Je ne sais pas, ça me rappelle chez moi.
    — Je sais.
    — Plaît-il ? demanda Sam en haussant les sourcils.
    — Quelle noble quête que celle de vouloir faire justice à ceux qu’on aime, réparer un tort que la Providence semble n’avoir pas remarqué ? Heureusement que l’homme, lui, est là pour faire le travail à Sa place, n’est-ce pas ?
    — J’ignore de quoi vous voulez parler.
    Le gobelet en terre cuite enduite de glaçure se mit à tourner sur lui-même entre les mains pensives de Sam.
    — Au contraire, je crois que tu as tout compris.
    L’Écossais cilla. Il se sentait pris d’un malaise diffus. Le gobelet tournait de plus en plus vite entre ses mains fébriles. Flamel tendit le bras pour prendre le cruchon, sourit avant de boire à même le goulot et reprit :
    — Cette quête est pourtant celle sans laquelle l’homme ne saurait vivre.
    — Qu’entendez-vous par là ?
    — J’entends que la quête de justice n’est pas tout. Il y en a une qui importe plus encore. Certains l’appellent l’amour, mais je trouve cela plutôt réducteur ; l’amour n’est que l’une des multiples facettes de cette quête qui est celle de la vie, de la vie dans son intensité la plus absolue. Tous, nous voulons vivre et pas seulement exister. Tiens, par exemple : lorsqu’on assiste à quelque chose de très émouvant, quelque chose qui nous arrache des larmes, on demande à en conserver l’image pour pleurer encore. Cela fait partie de notre quête de l’embrasement.
    Contrarié, Sam avala d’un trait le contenu de sa tasse dans le but de se lever et de prendre congé au plus vite. C’était trop de bavardage théorique pour, au bout du compte, n’arriver nulle part. Cela lui rappelait trop le père Lionel. Vif comme un chat, Flamel s’empressa de

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