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Le salut du corbeau

Le salut du corbeau

Titel: Le salut du corbeau Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Marie Bourassa
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gens de se contenter du vin et de patienter jusqu’à notre retour à Caen. Alors, je leur paierai une nuitée chez les filles.
    — Oui, chef.
    Celui qui avait donné cet ordre retira son heaume à cimier multicolore et libéra sa chevelure rousse à la brise qui se chargeait de fumée. Sam fut satisfait de voir ses gens se disperser sur la place devant l’église pour y attendre ses instructions en assez bon ordre, compte tenu des circonstances.
    — Tous les champs sont déserts. Ils se sont enfuis ou bien ils se sont réfugiés dans l’église, annonça l’émissaire qui fut de retour peu de temps après.
    Sam dit :
    — C’est bien ce que je pensais. Je n’en attendais pas moins du poltron qui les a à charge. Qu’importe. Ce ne sont pas les culs-terreux qui m’intéressent.
    — Oui, je sais cela. Parce que, à l’exception du vieux forestier Morel, à ma connaissance, tous sont de loyaux sujets du roi de France. Nous n’avons aucune raison valable de nous en prendre à eux.
    — C’est ça… Bon, trêve de bavardages. Gervais m’attend déjà à l’endroit convenu. Tu sais ce qu’il te reste à faire.
    — Oui, chef. À vos ordres.
    Sam regarda le cavalier faire demi-tour pour se rapprocher de l’église avec le reste des hommes. Il s’éloigna à son tour en direction de la colline.
    — Baillehache ! appela une voix masculine toute proche.
    Louis se tourna vers les portes closes. À l’extérieur, les voix rudes des hommes d’armes se mélangeaient à la toux et aux chuchotements craintifs des occupants de l’église. Le père Lionel s’était tu. La voix rugit à nouveau :
    — Baillehache ! Je sais que tu es là-dedans. Montre-toi, lâche ! Sors de là ou nous boutons le feu à l’église !
    En guise de menace, l’un de ceux qui attendaient dehors s’avança et cassa un des petits vitraux se trouvant à sa portée à l’aide du bout de sa torche, qu’il enflamma ensuite à un madrier d’une maison voisine en flammes pour la brandir de manière à ce que tous à l’intérieur puissent la voir. Les acclamations des autres hommes et quelques fagots s’infiltrèrent par cette nouvelle ouverture. Tous les assaillants parurent s’activer, eux aussi, à enflammer des torches. Une fumée âcre remplaça les souvenirs d’encens parmi les rinceaux de pierre érodés, et de jeunes enfants commencèrent à pleurer.
    — Du calme. Restez ici. Vous êtes à l’abri tant que vous ne mettez pas le pied dehors, compris ? recommanda le métayer aux villageois.
    — N’y va pas, Louis, dit Lionel.
    Mais il était trop tard. Le bourreau marcha résolument en direction des portes, enleva la barre et sortit. La lumière éclatante du soleil automnal l’éblouit. Une fois sur le porche, il fut accueilli par les huées de la horde d’ivrognes. Des pennons et gonfanons colorés flottaient sous une brise agréable qui vint aussi taquiner sa mèche folâtre. Il referma les portes derrière son dos et attendit. Malgré son désavantage évident, il les tenait en respect de son seul regard. Les hommes, railleurs, feignaient de le menacer avec leurs cognées, leurs guisarmes* et leurs tranchelards*, tout en demeurant à distance respectable. Son regard passa de l’un à l’autre sans s’attarder sur aucun. Sam ne se trouvait pas parmi eux.
    — C’est moi, Baillehache. Qui êtes-vous et que me voulez-vous ?
    Celui qui l’avait appelé descendit de cheval et s’avança jusqu’aux marches. Lui seul n’avait pas bu, cela se voyait tout de suite. Il dit :
    — Tes gens et ceux de ce village n’ont rien à craindre. Nous ne leur voulons aucun mal.
    — Non, vraiment ? Alors c’est qu’on doit être bêtes d’avoir tout compris de travers.
    Les bras croisés, il regarda en direction de quelques-unes des chaumières dévastées.
    — Ça va, ce n’est pas le moment de faire de l’esprit. On m’avait prévenu que tu as de l’impertinence à revendre. Trop, beaucoup trop pour un bourrel*. Enfin. C’est essentiellement de toi que dépend le sort de ces villageois.
    — Expliquez-vous. Qui vous envoie ?
    L’homme leva une main pompeusement péremptoire.
    — Un instant. Nous y reviendrons. Tout d’abord, rouvre-moi ces portes. J’ai ordre de conduire ta femme et son fils en un lieu plus sûr.
    — Inutile. C’est déjà chose faite. Vous ne les trouverez pas dans l’église.
    Un vougier* s’approcha et pointa son arme en direction de la gorge du géant, qui ne

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