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Le salut du corbeau

Le salut du corbeau

Titel: Le salut du corbeau Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Marie Bourassa
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Louis rejoignit calmement Robert qui tentait de filer en douce vers l’église et l’adossa aux portes.
    — Vous auriez dû opter pour un affrontement courtois, au lieu d’un duel. Seulement, voilà, puisque c’est moi le vainqueur, je réclame mon dû.
    Il posa le fil de sa dague sur la gorge de Robert et l’y fit glisser d’un geste presque caressant. Du sang gicla à leurs pieds. L’homme d’armes haleta. Il écarquilla les yeux alors que des bulles rouges lui affleuraient aux lèvres. Le géant le regarda froidement et essuya sa lame sur la cotte que sa victime avait endossée par-dessus un haubergeon* enfilé à l’envers à cause de trop nombreux anneaux qui y étaient çà et là démaillés. Robert émit une suite de gargouillis avant de s’effondrer. Indifférent, Louis se retourna et fit face aux gens de Sam.
    — Je demande la permission de me confesser avant de vous donner ma réponse.
    L’un des cavaliers s’avança, tandis que les villageois revenaient en transportant un chaudron fumant qui provenait de l’auberge. Pensif, l’homme frotta du doigt son orgelet qui ressemblait à un petit insecte accroché à sa paupière.
    — C’est bon. Mais fais vite, dit-il enfin.
    Louis se détourna et saisit le moine éberlué, à demi malade, par la corde qu’il avait au cou, afin de le pousser devant lui. Il rouvrit les portes et s’engouffra avec lui à l’intérieur. De se voir soustrait aux mauvaises luisances des armes sembla redonner au bénédictin un certain contrôle de la situation, et il prit Louis par le bras afin de le mener au confessionnal, sous les regards interrogateurs des fidèles qui étaient rentrés pour s’y recueillir en silence. Les deux grands hommes s’enfermèrent dans le cagibi et, lorsque Lionel fit glisser le panneau fermant la petite fenêtre grillagée, le visage de Louis n’avait rien de celui d’un pénitent.
    — Il y a quelque chose que je souhaitais vous annoncer depuis un certain temps déjà. J’avais aussi l’intention d’en parler avec Jehanne. Mais j’ai trop tardé. Là, ça ne peut plus attendre.
    — Mon fils, ne me dis pas que tu vas relever ce défi insensé ? Pas après… ça ?
    Louis ne répondit pas. Il baissa la tête et marqua un temps, avant de répondre :
    — J’y suis contraint. Pour eux.
    Il désigna du menton la porte du confessionnal, et Lionel comprit qu’il voulait parler des villageois.
    — Samuel les tient-il en otage ?
    Louis fit un signe d’assentiment.
    — Ils n’ont rien dit de tel. Mais j’en suis certain.
    Il soupira nerveusement avant de continuer :
    — S’il n’en tenait qu’à moi, je baisserais les bras et j’entrerais avec vous au cloître. Pour de bon, cette fois.
    — Songerais-tu à y demander l’asile ?
    — Non. C’est bien plus que ça. On serait ensemble à longueur de journée, en train de ratisser la terre pour récupérer les fragments de toutes ces années qu’on a perdues. Vous retourneriez à vos livres et moi, qui sait, je pourrais peut-être faire le pain pour les moines.
    Les yeux sombres de Lionel s’ourlèrent de larmes, et Louis dit :
    — Pensez-y un peu. C’est un juste retour à l’ordre initial, à ce qui devait être dès le départ, vous ne trouvez pas ? Il y a déjà un bon moment que j’y songe. Sans moi, Jehanne sera de nouveau libre. Adam n’aura pas à vivre ce que j’ai vécu. Il est Adam Aitken et non pas le fils d’un proscrit…
    — Attends, attends ! Tu… tu veux dire que tu serais prêt à renoncer à Jehanne et à Adam… au profit de Samuel ?
    — Oui. Si tel est le désir de Jehanne.
    — Oh… Louis, jamais je n’aurais cru… Béni sois-tu pour ton abnégation !
    — Non ! Non ! Non ! Pas si vite ! Ne vous méprenez pas sur le sens de mes réels motifs. Ça n’a rien d’un renoncement mystique. Presque rien, en tout cas.
    — Je ne comprends pas.
    Louis précisa, se rappelant subitement d’un passage qu’on lui avait lu à l’abbaye :
    — Hérodote ne dit-il pas : « Pour dire d’un homme qu’il fut heureux, attendez qu’il ait tourné sa dernière page » ?
    — Tiens, voilà que tu me cites les sages propos de l’Antiquité, maintenant ? Toi ?
    — Je ne sais pas lire, mais j’ai bonne mémoire.
    — Mais pourquoi ce passage, précisément ? Louis, je n’aime pas cela.
    — Écoutez. Je n’ai aucune envie de me séparer d’eux, maintenant que je commence enfin à comprendre certaines

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