Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
Le salut du corbeau

Le salut du corbeau

Titel: Le salut du corbeau Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Marie Bourassa
Vom Netzwerk:
Plusieurs fois de suite, Louis dut bifurquer pour couper court à leurs manœuvres d’encerclement. L’un des hommes tendit sa perche en avant : Tonnerre sauta par-dessus.
    — Tu l’as mise trop tôt, espèce d’abruti ! dit l’un de ses comparses.
    — Ouais, facile à dire, ça ! On voit bien que c’est pas toi qui t’y colles. Si j’avais trop attendu, il n’aurait pas trébuché sur ses postérieurs.
    Pour que sa manœuvre fût réussie, il eût fallu que l’homme glisse sa perche, juste au bon moment, entre les antérieurs, et qu’il en plante un bout au sol afin que la monture ne pût s’en débarrasser d’un coup de pied.
    Quoi qu’il en fût, Louis avait eu le temps de s’élancer parmi des taillis où il allait être ardu de le suivre sans s’empêtrer.
    Un nouvel homme était subitement apparu à sa gauche. Il le reconnut tout de suite : c’était Iain, l’ami de Sam, qui était venu en visite au domaine avec lui sept ans plus tôt. Il venait vers eux en hurlant comme un loup, les bras en l’air, son kilt en laine usée lui battant les jambes. Tonnerre fit un écart, et Louis manqua perdre son assiette. Tous deux aperçurent un instant trop tard les trous soigneusement camouflés et la chaîne qui se tendit brusquement juste devant eux. Monture et cavalier furent projetés au sol par leur propre élan. Tout ne fut plus qu’une confusion de petites plantes arrachées, d’humus, de membres et de crinière. Louis heurta violemment le sol. Il roula sur lui-même. Entre les mèches de ses cheveux emmêlés, il put distinguer les jambes d’un groupe d’hommes qui déjà l’encerclaient en poussant force cris de joie. Tonnerre hennit. Louis le chercha des yeux et ne le trouva pas à cause des hommes qui le serraient de trop près. Il se mit à genoux. Quelques-uns entreprirent de le bousculer à l’aide du bout ferré de leurs armes d’hast*. Hébété, Louis ne réagit pas. Il sentit à peine l’un de leurs picots pénétrer dans son bras. Tonnerre, invisible, l’appela d’un hennissement angoissé.
    — Il a le cuir aussi coriace que l’esprit lent, çui-là, dit l’un.
    — Hé, père pendard, vise un peu par ici ! Merci pour ton Excalibur*, disait un jeunot excité qui se haussait sur la pointe des pieds derrière le groupe en brandissant fièrement à deux mains ce qu’il considérait déjà comme son trophée.
    — Elle est beaucoup trop grande pour toi, cette épée, fiston, dit Iain avec insouciance.
    Son accent rocailleux évoquait douloureusement celui du vieil Aedan.
    — Mais que diable s’est-il passé ici ? gronda une autre voix, elle aussi connue.
    Les guisarmes* interrompirent leurs tourments sans toutefois s’abaisser. Louis put voir que Sam s’en venait vers eux en tenant par la bride un splendide coursier dont la robe de perle était à demi cachée par une flancherie* usée. La bête semblait nerveuse et ne cessait d’armer* en dépit de la poigne ferme de son propriétaire. Ce dernier n’avait pas l’air content.
    — Par le saint sang du Christ, les gars, je vous avais dit de vous y prendre autrement.
    — Qu’importe, puisque la diversion d’Iain a pris, fit remarquer l’un des hommes. On le tient.
    Le groupe s’écarta afin que l’Escot* pût voir Louis, toujours à genoux.
    — Ça va, mais quel dommage, quand même… une bête pareille. J’ai toujours aimé ce cheval.
    Le jeunot à l’épée haussa les épaules et dit :
    — Bah, il avait fait son temps, de toute façon. Quel âge il a au juste, ce canasson ? Au moins cinquante ans ? Hein, bourrel* ? Non, mais, oh ! voyez-le, mais voyez-le donc pleurnicher, ce pauvre minable !
    Railleur, le garçon s’apprêta à agacer Louis avec le damas sans s’apercevoir qu’autour de lui régnait un silence embarrassé.
    — Damnation, tu vas la fermer, ordonna Sam. Ferme-la, ta sale gueule, petit vaurien ! Et laisse-le tranquille. Éloignez-vous de lui, vous autres.
    Les hommes obéirent avec une déférence qu’ils n’eussent probablement pas manifestée en tout autre circonstance, car le lien qui unissait un homme et son cheval était une chose sacrée.
    Louis ne parut pas se rendre compte que les hommes lui avaient ménagé un passage et que certains, par respect peut-être, enlevaient leur barbute*. Il ne remarquait ni ses larmes qui, abondantes, lui inondaient les joues, ni ses vêtements déchirés, ni ses contusions dont certaines saignaient. Rongé par le remords,

Weitere Kostenlose Bücher