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Le salut du corbeau

Le salut du corbeau

Titel: Le salut du corbeau Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Marie Bourassa
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après-midi en ce lieu sinistre à l’entrée duquel un pilori montait la garde.
    Goguenard, les mains dans les poches, il s’avança vers le bourreau.
    — Dommage, dit celui-ci. Ça m’aurait fait un bon prétexte pour enfin me débarrasser de toi en sabrenassant*, espèce de pique-écuelle. J’aurais pu t’enterrer dans mon jardin. Ainsi, une fois dans ta vie, tu te serais rendu utile.
    Sam blêmit, mais il parvint à extraire de sa gorge serrée un petit ricanement sec.
    — C’est une blague, j’espère ?
    — Mais oui.
    — Ah bon. J’aime mieux ça. L’ennui, avec vous, c’est qu’on ne sait jamais quand vous êtes sérieux ou pas.
    — On y va.
    Le bourreau prit sa besace.
    — Où ça ?
    — Tu verras bien.
    Ils sortirent de la cour et Louis verrouilla la grille. Ainsi, ils partirent à pied sous quelques flocons somnolents qui mettaient longtemps à choisir un endroit où se poser. Les habits noirs et les cheveux de Louis semblaient les attirer tout particulièrement. Le duo n’échangea pas une seule parole jusqu’à ce qu’il eût atteint une porte close. Ils n’avaient pas encore quitté ce quartier mal famé des faubourgs, et pourtant Sam nota que la demeure où ils s’étaient arrêtés était, comme la maison rouge, mieux entretenue que celles qui l’entouraient. La porte donnait directement sur la rue boueuse.
    Çà et là, des femmes étaient apostées et racolaient au passage de clients potentiels, abandonnant tout de suite leurs poses suggestives lorsqu’ils allaient leur chemin devant à toute allure en faisant mine de ne pas les voir. L’une d’entre elles s’accrocha au bras d’un homme qui venait de lui faire signe, et ils s’approchèrent à leur tour de la belle maison. Le soir venant, les gens du guet venaient interdire l’issue des rues environnantes à l’aide de chaînes tendues.
    Sam dit :
    — Hum ! Vous me payez le bordeau*, maître ?
    — Si on veut, répondit Louis, au grand étonnement du jeune homme.
    Le bourreau expliqua :
    — Je n’ai pas à payer.
    Sam siffla d’admiration. Intéressant, le tour qu’était en train de prendre la chose. Louis essayait-il de l’éloigner de Jehanne, de se le concilier en lui accordant ce genre de petites faveurs ? Si tel était le cas, cela pouvait avoir ses bons côtés.
    Louis ouvrit sans cogner et entra en premier. Sam suivit derrière. La prostituée et son client qui se tenaient eux aussi à la porte n’entrèrent pas. Curieusement, ils avaient l’air d’être sur le point de se disputer. Louis referma donc la porte.
    Plusieurs voix féminines saluèrent son arrivée avec des excès de politesse nerveuse. L’Écossais se hissa sur la pointe des pieds. Son visage malicieux apparut par-dessus l’épaule du géant, qui n’en fit pas de cas.
    Bertine se présenta au bourreau et lui dit :
    — Bonjour, maître. Merci d’avoir fait si vite.
    Elle lui tendit une petite bourse qu’il soupesa avant de l’empocher. Le visage de Sam se fendit d’un sourire lorsqu’il vit la souteneuse poser la main sur l’épaule de Louis et se hausser sur la pointe des pieds pour chuchoter à son oreille. Louis l’arrêta d’un geste et enfonça son coude dans l’estomac de Sam pour l’éloigner. Cela en fit ricaner plus d’une et Sam, qui se pétrissait l’estomac, feignit de balancer un coup de pied dans les mollets du bourreau.
    — Je t’écoute, dit Louis à Bertine.
    — Bien, euh… je ne vous ai pas tout dit dans ma lettre. À propos de Desdémone. Il y a une condition à l’offre que je lui ai faite. Et pour cela je vais avoir besoin de votre aide.
    Il hocha la tête. Bertine poursuivit :
    — Elle a des dettes. Surtout envers cet homme qui est resté dehors avec une de mes filles. C’est pour ça qu’il est venu. C’est un tavernier.
    — Ça allait de soi.
    — Il faut qu’elle règle ses dettes et qu’elle évite désormais de boire. Parce que, moi, je ne peux pas me permettre ce genre de dépenses et elle le sait. Déjà que, si elle ne travaille plus, ça nous fait un revenu de moins pour la maison. Vous comprenez ?
    — Et elle planque de l’argent, à ton avis ?
    — Oui, beaucoup. J’en suis certaine. À vrai dire, maître… Et elle baissa le ton d’un cran :
    — … elle m’en a volé.
    Soudain, la porte d’entrée s’ouvrit sur le tavernier qui, hors de lui, poussa la prostituée et se mit à hurler :
    — Voilà ! Voilà comment on floue les honnêtes

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