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Le salut du corbeau

Le salut du corbeau

Titel: Le salut du corbeau Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Marie Bourassa
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ville que l’exécuteur ne pouvait supporter de voir maltraiter un enfant. Il grommela :
    — Ouais. Très habile.
    Il repêcha le tavernier râleur et l’assit sans ménagements sur la table. L’homme le regardait d’un air éberlué. Soudain, il se mit une main devant la bouche.
    — Désirez-vous un seau ? demanda Louis rapidement.
    Il le retenait par l’épaule.
    — Hm-hm, répondit l’homme en faisant un signe de dénégation.
    Il cracha dans sa main un petit objet blanc qui nageait dans des bulles de salive rougie. Une dent.
    — Aïe ! Toutes mes excuses, dit Louis.
    — C’est bien de vous, ça, bourrel*, que d’arracher des dents qui sont encore saines.
    Les curieux acclamèrent le tavernier que l’incident avait passablement dessaoulé. Louis dit :
    — C’est un peu pour ça que je suis là, vous savez, mais, mon client, ce n’était pas vous.
    L’homme mit quelques secondes avant de saisir le sens de ces paroles.
    — Ah… Ainsi, vous croyez donc pouvoir en faire quelque chose ?
    — Sûrement, oui. J’ai un mandat du bayle*. Tout est en ordre. Il suffit juste qu’il lui reste assez de dents et je vous garantis qu’elle crachera quelque chose de mieux que ce que vous venez de me montrer.
    — Hé ! Hé ! Ouais.
    Pendant ce temps, Bertine et les filles évacuaient les curieux qui, eux, avaient bien envie de continuer à faire la fête. Sam alla leur prêter main-forte.
    — Rendez-vous tous chez moi ! Je viens de recevoir livraison d’un bon petit cru d’Argenteuil dont vous me direz des nouvelles, annonça le tavernier à qui Louis venait de remettre un linge imbibé d’eau glacée.
    — Tenez-vous-en à la tisane d’écorce de saule et à la poudre de clou de girofle pour quelques jours, l’ami, lui dit-il.
    Se tournant vers Bertine, il demanda :
    — Où est-elle ?
    — Là-haut, à sa chambre, maître. Venez, je vais vous conduire.
    — Suis-moi, toi, ordonna Louis à Sam après qu’il eut ramassé sa besace à laquelle nul n’avait touché.
    Ils grimpèrent un escalier abrupt et traversèrent un passage étroit, à peine éclairé. Bertine s’arrêta à la dernière porte à gauche. Elle cogna doucement.
    — Deux visiteurs pour toi, Desdémone.
    — Dis-leur que je ne suis là pour personne, répondit une voix revêche.
    — Allons, allons, chérie. Il y en a un des deux que tu n’as pas vu depuis fort longtemps.
    — Bon, bon ! Alors, qu’ils attendent.
    Il y eut le grattement hâtif d’un meuble sur le plancher et quelques autres petits bruits indéfinissables. Enfin, des pas approchèrent de l’huis.
    Bertine se tourna vers les deux hommes et leur dit :
    — Bien. Je vous laisse.
    Sam remarqua qu’elle était blême et qu’elle pinçait les lèvres. De son côté, Louis ne semblait pas avoir particulièrement apprécié la façon dont il avait été présenté. Il se poussa sur le côté. Sam n’eut pas le temps de lui demander pourquoi il faisait cela, car la porte s’entrouvrit. Une vieille femme l’avisa en clignant des yeux. Elle n’aperçut d’abord que le jeune rouquin qui lui souriait d’un air niais.
    — Euh… salut, dit-il.
    Louis ne remarqua pas la grimace souriante de Sam.
    — Est-ce qu’on se connaît ? demanda Desdémone à l’Écossais en s’appuyant au chambranle d’une façon racoleuse.
    Elle se souvenait très bien de lui et ne regrettait plus d’avoir ouvert sa porte. Sam, quant à lui, même s’il avait flirté avec elle aux noces de Louis, fit mine de ne pas la reconnaître :
    — Sûrement pas.
    Piquée au vif, Desdémone se redressa autant qu’elle le put. Malgré les ravages produits par ses excès, elle parvenait encore à faire illusion. À l’exception de son ventre, elle avait conservé sa minceur de jeune femme. La peau ridée de ses épaules, dont l’une avait jadis été marquée d’une fleur de lys par Louis, et celle de sa poitrine étaient camouflées par divers affiquets et de grands voiles artistiquement enchevêtrés. Si l’abondance de fard empêchait les émotions ou la lassitude de trop paraître sur ses joues, elle n’arrivait pas à faire oublier les yeux ponctués de petites rides qui, eux, ne trahissaient que trop facilement une usure précoce. Desdémone se traînait les pieds et avait le dos voûté. Son sourire contraint était ébréché à cause de l’absence de deux dents du devant. Les autres avaient commencé à se déchausser.
    — Eh ben alors, qu’est-ce

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