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Le salut du corbeau

Le salut du corbeau

Titel: Le salut du corbeau Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Marie Bourassa
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par la détresse et s’était tout de suite concentré sur son sinistre devoir.
    L’homme aux mains liées sur le devant gardait la tête humblement baissée. Louis lui passa la corde au cou et serra le nœud, l’appuyant brutalement contre l’occiput. Après quoi, il entreprit de le hisser à l’échelle.
    Une fois en place tout en haut de la potence, l’homme fut poussé dans le vide, où il se tortilla pendant plusieurs minutes. Ensuite, le bourreau leste se retint au madrier afin de ramener à lui le pendu qui étouffait. Il détacha la pauvre créature qui lui tomba dans les bras et la souleva pour la ramener en bas.
    Louis conduisit le condamné au banc. Il porta les yeux directement sur le dais et attendit que le roi lui fît un signe. Cela ne tarda pas : une main baguée fit une espèce de geste de congédiement. Les petits nuages de vapeur s’exhalant de tous les nez disparurent un instant, car tout le monde retint son souffle. Il se dégageait de cette cohorte assoiffée de sacrifice un érotisme inexplicable. Le moment était venu où la victime, une fois dépouillée de ses vêtements, s’apprêtait à être aussi dépouillée de sa vie. On était venu non pas seulement pour assister à une mort violente, mais aussi pour partager cet élément sacré, ce mystérieux passage de vie à trépas, que la victime allait révéler.
    Le bourreau s’approcha du condamné avec un instrument pris sur une petite table que l’on avait par égard pour lui recouverte d’un linge. Il s’agenouilla devant l’homme, dont les mains étaient toujours liées.
    Sam abaissa sur lui un regard empli de compassion. Il demanda :
    —  C’est donc vous que l’on a appointé pour me délivrer de ce monde.
    —  Oui, Aitken. Pardonne-moi pour ce que je dois faire, lui dit Louis.
    —  Soyez pardonné.
    Et il embrassa le bourreau sur le dessus de la tête.
    Alors qu’il se tenait encore penché au-dessus de lui, Louis lui ouvrit le ventre. Il le repoussa légèrement d’une main tandis que l’autre main pénétrait dans la longue incision, juste sous l’estomac, afin d’en extraire les entrailles. Un affreux réseau de filaments qui ressemblaient à des toiles se rompit, et les intestins se déroulèrent avec mollesse. Il en attacha l’une des extrémités avec une ficelle afin de prolonger l’agonie, après quoi il jeta les boyaux au feu qui avait été allumé au pied de l’échafaud. Alors que le mourant s’effondrait, sa tête fut tranchée net. Jehanne criait, criait sans fin, mais ses hurlements se perdaient dans les acclamations de la foule.
    Le bourreau remplaça sa large épée par une hache à l’aide de laquelle il débita le mort comme s’il s’agissait d’un animal de boucherie.
    Le roi Charles s’essuya le nez et ricana à la vue de l’ogre sanglant qui dut attendre que le vacarme se calme un peu pour parler. Son regard sévère, dans un visage tiqueté de sang, parcourut la place, ne s’arrêtant pas lorsqu’une voix le couvrait d’éloges. Enfin il leva le bras, réclamant le silence. Sa main était complètement rouge. Cela produisit son effet et fit taire tout le monde presque instantanément.
    —  Justice est faite, annonça-t-il d’une voix forte.
    À bout de souffle, Jehanne crut qu’elle allait s’évanouir. Tout autour d’elle la foule grondait comme un tonnerre humain. Dès le début du supplice, elle avait sans cesse tâché de s’approcher de l’échafaud, sans jamais y parvenir. Il eût pourtant fallu qu’elle lui parlât. Qu’elle tentât au moins de faire cesser cette œuvre infernale, avait-elle alors pensé. Il était trop tard, maintenant. Ses vains efforts et la vue de ces horreurs l’avaient exténuée, si bien que désormais elle se laissait bousculer mollement, les yeux rivés sur ce terrifiant Louis Ruest qui était son mari.
    Réveillée en sursaut, Jehanne s’assit dans le lit. Louis dormait paisiblement à ses côtés, le dos tourné vers elle. La jeune femme se recoucha avec précaution et passa le reste de la nuit à regarder les vacillements du chaleil*.
    *
    Plus d’une semaine passa avant que Jehanne ne se décide à enlever son bandage. Le père Lionel entendit le cri. Tout le monde était au champ et il fut seul témoin de l’horreur de Jehanne. Il se précipita dans la chambre des maîtres sans se donner la peine de cogner et la retrouva derrière le paravent, pétrifiée face au petit miroir d’étain qui lui renvoyait l’image d’un

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