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Le salut du corbeau

Le salut du corbeau

Titel: Le salut du corbeau Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Marie Bourassa
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intensément.
    — Répétez après moi : « Moi, Jehanne Ruest, jure, par mon offrande, d’aider à vous guérir en vous demeurant fidèle. »
    Elle le regarda, éberluée.
    — Répétez, ordonna Louis.
    — Moi, Jehanne Ruest, jure, par mon offrande, d’aider à vous guérir en vous demeurant fidèle…
    — … « Je me soumets à votre volonté », compléta Louis.
    — Je me quoi ?
    Se pouvait-il que ces mots-là eussent davantage de signification qu’ils en avaient l’air de prime abord ?
    — Dites-le.
    — Je me soumets à votre volonté.
    « Me soumettre ? Mais n’est-ce pas ce que je fais depuis cinq ans ? » pensa-t-elle en levant les yeux vers le visage dur de cet homme et détaillant ses traits tandis qu’il ne la quittait pas du regard.
    Aucun signal n’annonça le mouvement tant appréhendé. La pointe ivoirine du stylet pénétra sous la peau et se retira en zigzaguant alors même qu’un petit cri échappait à la jeune femme.
    — Il n’y en aura pas pour longtemps, dit Louis.
    Et il reposa le fil de la lame à la base du cou.
    — Tenez bon, ajouta-t-il avant d’y laisser un second trait, puis enfin, un troisième.
    Jehanne haletait. L’avant-bras de Louis se posa rudement sur l’épaule de Jehanne et leurs coupures fraîches se touchèrent.
    — Oh, ne put-elle s’empêcher de souffler.
    Il fit effectuer à son avant-bras un mouvement de va-et-vient sur son épaule, ce qui visait à sceller le pacte de façon très concrète. Soudain il retira son bras et porta sa coupure barbouillée au visage de Jehanne. Il lui dit :
    — Baisez-la.
    Timidement, elle y apposa les lèvres. Elle sentit sous la peau de Louis quelques muscles tendus comme des cordes. Il planta le stylet dans l’herbe entre eux, autant pour le nettoyer de façon symbolique que pour se libérer les mains, et se redressa. Sans prévenir, il empoigna Jehanne par les épaules et se pencha sur elle. Bouche bée, la tête rejetée par en arrière, elle sentit les lèvres fermes du maître se poser contre sa peau. Elles se pincèrent sur les coupures dont elles ravivèrent la sensibilité. La jeune femme crut sentir une brève succion.
    Soudain, Louis la repoussa contre le mur et reprit son stylet. Alors qu’il s’éloignait sans encore se retourner vers la maison, Jehanne eut le temps d’apercevoir le tour de sa bouche ainsi que son menton sanguinolents.
    — Attendez-moi ici, ordonna-t-il.
    Même si ses jambes tremblantes menaçaient de céder sous elle, Jehanne n’osa pas lui désobéir. Il fut assez vite de retour avec à la main un petit pot de grès et quelque chose qui ressemblait à un bandage plié.
    — Attention, c’est chaud, dit-il.
    Et il entreprit de frotter un peu trop vigoureusement sa petite blessure à l’aide d’une pommade foncée. Cette pâte était effectivement très chaude. Brûlante, même, et il fallait en plus qu’il s’aidât du stylet, qui était chaud lui aussi et presque noir, car il avait été déposé sous les braises, pour faire pénétrer l’onguent grumeleux plus profondément dans les coupures en y pratiquant une suite de petites piqûres très rapprochées. En le voyant ainsi penché au-dessus de son épaule comme un enlumineur au-dessus de son œuvre, les sourcils froncés, Jehanne se demanda s’il ne mettait pas une certaine cruauté à lui prodiguer ces étranges soins. De temps à autre, il s’arrêtait pour l’éponger, mais ce n’était que pour mieux reprendre sa tâche qui devenait de plus en plus douloureuse. Sa coupure à lui, quant à elle, n’avait été que bandée en hâte.
    Peut-être que cela aussi faisait partie du rituel, que c’était nécessaire pour que son mari fût réellement épargné par sa maladie.
    — Louis, je vais me trouver mal, prévint-elle soudain.
    Pour toute réponse, il la soutint par l’aisselle de sa main libre et lui repoussa la tête de côté afin de continuer comme une grosse guêpe besogneuse à piquer et à frotter son cou offert avec la pâte. Jehanne se mit à sangloter.
    — Silence ! dit-il.
    La malheureuse s’efforça de taire ses reniflements. Seules de grosses larmes lui coulaient le long des joues.
    Enfin, après un temps qui parut interminable, il mit de côté ses instruments et posa à Jehanne un bandage frais qui parut bien petit à la jeune femme, dont la blessure palpitait comme une chose en flammes.
    — Ne l’enlevez pas. Je vous examinerai moi-même demain soir, lui

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