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Le salut du corbeau

Le salut du corbeau

Titel: Le salut du corbeau Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Marie Bourassa
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extrêmement rares et, même avec mes ressources, je n’ai pas été en mesure de mettre la main sur une corne complète. Mais ceci fera très bien l’affaire.
    Il ignorait si les licornes existaient ou non, mais il avait néanmoins décidé de jouer le jeu avec son stylet qui provenait en fait d’un cerf. Ce qui importait, c’était que Jehanne, avant tout, y crût.
    — Une corne complète ? Pour quoi faire ?
    — Pour boire dedans.
    — Boire dedans ? Mais…
    Elle se tut subitement. Il lui revint en mémoire ce qu’avait dit Sam à ce sujet l’hiver précédent : boire dans un récipient qui était fait d’une corne de licorne immunisait le buveur contre les poisons et le haut mal. Elle leva de nouveau la tête vers Louis.
    — Si je comprends bien, c’est un… grand honneur que vous me faites là, n’est-ce pas ?
    Louis fit un signe de tête.
    — Vous êtes une licorne. Rappelez-vous la tapisserie. Puisque vous devez défendre ma vie, je défendrai la vôtre. Ainsi, il est juste que nous partagions ce qui nous donne la vie. La voilà, l’autre raison.
    — C’est très beau.
    « Et ça ne ressemble pas du tout aux paroles d’un bourrel* », se dit-elle. Comprenait-il réellement la portée d’une telle cérémonie ? Lui dont le devoir était de verser le sang, ne tenait-il pas moins ce dernier comme une chose sacrée ? Après tout, elle savait de source sûre qu’il était venu bien près de se faire bénédictin.
    — Le père Lionel m’avait bien prévenue que l’existence d’un licteur* pouvait être emplie de paradoxes, dit encore la jeune femme.
    — Un quoi ?
    — Non, rien. J’ai peur.
    — Votre crainte me plaît davantage que trop d’audace, dit Louis. Il laissa choir la ceinture à leurs pieds. Elle lui sourit.
    — Merci.
    Elle se trouva à même de consacrer plus de temps à son autre préoccupation immédiate :
    — Est-ce que ce sera douloureux ?
    Jehanne se sentit tout à coup ridicule et regretta d’avoir posé cette question à laquelle Louis répondit d’un simple haussement de sourcils interrogateur, comme s’il soupçonnait qu’elle se moquait de lui. Elle s’empressa de corriger :
    — Non, laissez, je n’ai rien d…
    — Ne craignez pas tant cela que mon châtiment si vous me trahissez encore, surtout une fois que le pacte sera scellé, dit Louis d’un ton autoritaire.
    Il se rapprocha d’elle.
    — Maintenant, assez hésité. Acceptez-vous, ou non ? Parce que je pourrais très bien m’arranger pour retourner vivre en ville.
    — Non, je vous en prie, ne partez pas ! dit Jehanne en retenant Louis par le poignet.
    Elle n’avait jamais cru qu’il pouvait lui donner encore l’occasion de faire un choix. Lui, de son côté, était certain de l’ascendant qu’il exerçait sur elle. La réponse de Jehanne le lui confirma :
    — J’accepte. Je vous… je veux vous aider. Vraiment. Vous n’avez pas idée de ce que votre présence signifie pour moi.
    Si elle avait trop parlé, il n’en manifesta aucun signe d’impatience. Sans ajouter un mot, il enroula sa manche droite afin d’exposer son avant-bras musclé sur lequel la lame en os zigzagua, sous les yeux de Jehanne, en trois coups secs et précis. Louis ne cilla pas. Trois entailles parallèles sinuaient juste sous son petit tatouage rougeâtre en forme de hache. La plus longue des trois, celle du centre, mesurait deux pouces. Ce mystérieux dessin se mit à luire sous les rayons bleutés de la lune. Il ne s’était pas ménagé.
    — Mon ancienne signature, expliqua-t-il.
    Puis il récita :
    — Moi, Louis Ruest, fais serment de vous défendre avec honneur, de veiller sur vous et de vous faire à nouveau confiance. Je m’engage à respecter votre parole.
    Un peu de sang tacha le vêtement de Jehanne, tandis qu’il y portait la main pour détacher le premier ruban qui fermait sa robe. Il ne s’en soucia nullement. Elle non plus, car le souffle lui manquait. Tout se passait si vite : il était désormais trop tard pour faire marche arrière. Elle sentit des doigts rudes mettre à nu son épaule gauche. Louis s’abstint poliment de trop exposer la poitrine de la jeune femme et repoussa d’un geste étrangement délicat quelques longues boucles folâtres. Le contact dur de la lame contre la base de son cou la fit sursauter. Louis semblait s’être attendu à cette réaction et maintint le stylet immobile dans sa main quelques secondes. Il regarda Jehanne

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