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Le salut du corbeau

Le salut du corbeau

Titel: Le salut du corbeau Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Marie Bourassa
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lui qui se tenait habituellement loin d’eux parce qu’il leur inspirait trop de crainte. Peut-être était-ce là l’occasion de leur plaire et de réparer la faute qu’il avait commise à l’encontre du petit Charles. Oui, à bien y penser, l’idée n’était peut-être pas si mauvaise, après tout.
    — Bon, eh bien… d’accord, dit-il.
    — Hourra ! crièrent à l’unisson quelques dizaines de voix claires. L’un des enfants osa même s’étirer pour lui serrer la cheville. Louis se sentit curieusement rasséréné par ce seul petit geste. Cela lui donna l’impression d’être de nouveau accepté au sein d’une collectivité.
    Il se tourna vers le petit acteur qui avait, lui aussi, repris un peu courage et lui demanda :
    — As-tu quelque chose à dire ?
    — Euh… ben…
    Le garçon eût bien voulu dénicher une trouvaille dramatique, mais il ne put que bredouiller un flot de syllabes hésitantes. La main du bourreau se plaqua donc sur son épaule et lui fit ployer les genoux. Elle lui entoura ensuite la nuque pour lui faire poser la tête contre le seau renversé. Le garçon piailla, saisi d’une angoisse bien réelle en dépit du caractère en principe ludique de l’activité.
    Louis tendit la main vers Sam, qui lui remit le faux glaive.
    — Amateur. On voit bien que tu n’y connais rien. Le billot, ça t’esquinte une épée.
    Puis, au garçon :
    — Ça ne va pas.
    Il lui fit adopter la position correcte.
    — Là. Tiens-toi droit.
    Louis fit mine de prendre son élan avant d’abattre le glaive léger, l’immobilisant au dernier instant contre la nuque du garçon.
    — Décapité, dit Louis simplement.
    — Diable, c’est rapide, dit l’enfant qui se releva sur des jambes flageolantes.
    — Très.
    Le bourreau sentit qu’on lui tirait la manche. Il se retourna. C’était un autre garçon qui lui tendait la corde.
    — Moi, j’ai rien vu. Pendez-le, à la place, s’il vous plaît.
    Sans prévenir, Louis s’empara de la corde et la passa au cou du gamin qui avait réclamé cette seconde démonstration. Il le tira assez rudement à lui afin d’appuyer le nœud tout contre l’occiput. L’enfant, yeux exorbités, lâcha un petit cri tremblant et devint blanc comme un linge. Louis abandonna le bout de corde et, d’une main sur l’épaule osseuse du gamin, le tourna face à lui.
    — Ça va ?
    — O… ouais.
    — Viens là.
    Il se hâta de dénouer la corde et de l’enlever à l’enfant qui avait été trop ébranlé par sa stupide plaisanterie. C’était une chose que de voir les autres y passer, c’en était une tout autre que d’y être soi-même soumis, et par surprise de surcroît. Louis s’en voulut. Il se demanda comment faire pour lui changer un peu les idées. Sans même y penser, il se passa la corde autour du cou et la tint à bout de bras, tirant la langue au garçon dont les joues trop pâles se colorèrent à nouveau sous la magie du rire.
    Le légionnaire récupéra son glaive et en pourfendit le bourreau. L’arme s’en trouva émoussée de façon irrémédiable. Des gens l’entraînèrent joyeusement en bas.
    — Bourrel*, laissez-nous vous offrir à boire, cria un homme rougeaud qui lui appuya un gobelet de vin contre la poitrine.
    Ils acclamèrent l’homme grave alors qu’il avalait le contenu de son gobelet d’un trait.
    Ils s’installèrent près d’un groupe de femmes qui s’étaient mises à danser autour d’un petit feu de cuisine sans remarquer leur présence. Louis sirota plus lentement un second gobelet offert. Bien qu’il fût un grand amateur de vin, il s’enivrait rarement et seulement s’il y consentait.
    — Après tout, quand on vous voit point sur l’échafaud, z’êtes fait comme nous autres, pas vrai, l’ami ? dit un savetier en lui donnant une grande claque dans le dos.
    Au lieu de répondre, Louis leva la main et pétrit le postérieur de l’une des danseuses qui s’était trop rapprochée. Des rires gras se mêlèrent à son cri suraigu qui lui resta pris en travers de la gorge dès qu’elle se retourna. Le bourreau la salua d’un signe de la main, un vague demi-sourire aux lèvres. Elle regarda le malotru, bouche bée, sans oser le gifler comme cela avait d’abord été son intention. Au lieu de quoi elle lui fit une révérence polie et s’en alla se remettre de ses émotions un peu plus loin.
    — Cela a ses bons côtés, à ce que je vois, fit remarquer l’un des hommes.
    — Ouais.

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