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Le salut du corbeau

Le salut du corbeau

Titel: Le salut du corbeau Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Marie Bourassa
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pas s’améliorer l’état de la future mère. Ses nausées persistaient et elle ne gardait presque rien. De menaçants cernes noirs lui barbouillaient le pourtour des yeux.
    La cloche qui n’arrêtait pas de sonner rendait Jehanne nerveuse. Elle appela :
    — Louis ?
    Et elle prêta l’oreille. Aucun bruit ne lui parvint à travers sa porte fermée. Il devait dormir en haut. Chaque nuit, il descendait à plusieurs reprises tisonner son feu et s’assurer qu’elle avait tout ce qu’il lui fallait. Parfois, il ne remontait pas et s’installait dans sa grande chaise, dans la pièce à vivre, au coin du feu. Et là, il cognait des clous jusqu’à l’aube.
    — Louis ? appela-t-elle de nouveau, un peu plus fort cette fois.
    Un petit grincement et des pas discrets se firent entendre. La porte s’ouvrit. Jehanne écarta les courtines.
    — Excusez-moi de vous déranger. Dormiez-vous ?
    — Non.
    — Moi non plus. La cloche… ce n’est pas le tocsin, j’espère ?
    — Non. C’est le moine qui tient à réveiller les morts avec sa coutume. Ce faisant, c’est plutôt nous qu’il empêche de dormir. Les villageois se relaient au clocher. On en a pour toute la nuit.
    — Oh, j’oubliais que nous étions à la Toussaint…
    — Avez-vous besoin de quelque chose ?
    — Non, merci…
    Elle eut envie de lui crier : « Oui ! De vous ! Restez avec moi. » Mais elle savait d’avance que c’était peine perdue.
    — Bon, alors bonne nuit, si j’ose dire.
    Il referma doucement la porte derrière lui.
    Jehanne tira les courtines et, léthargique et perdue dans ses pensées, se laissa retomber contre ses oreillers. Ses yeux se rivèrent à la petite flamme tremblotante du chaleil* qui était redevenue la seule compagne de ses longues nuits.
    Paradoxalement, malgré le fait qu’il gardât ses distances, Louis s’était transformé en une grosse chenille noire qui tissait sans bruit autour de sa femme un cocon de sollicitude discrète. Il se faisait un point d’honneur de lui préparer toutes sortes de concoctions qu’il lui administrait lui-même. Il lui faisait prendre chaque soir un bain tonifiant et supervisait minutieusement la nourriture qu’elle était capable d’assimiler. Le moindre malaise devait lui être signalé sans délai. Il l’autorisait à quitter le lit chaque jour un peu plus. Du jour au lendemain, il avait cessé de s’absenter du domaine à tout propos. Les travaux de la ferme avaient considérablement diminué, et ses assignations à Caen le retenaient rarement plus de trois jours à la fois.
    Malgré toutes ces prévenances, Jehanne demeurait faible et morose. Ce soir-là, le petit miroir d’étain lui avait renvoyé le reflet d’un visage qu’elle n’avait pas reconnu : c’était le sien, encadré par la rigueur de la coiffe.
    « Si je tombe gravement malade, peut-être que cela le décidera à me parler pour de vrai », se dit-elle encore, comme elle l’avait fait la veille, l’avant-veille et le jour d’avant. Les mêmes idées ne cessaient de revenir la tourmenter nuit après nuit, et elle non plus ne les reconnaissait pas. « Pourquoi me fait-il subir tout ça ? Si seulement je ne l’avais jamais connu ! Si seulement je ne l’aimais pas tant ! Si seulement il me donnait quelque chose pour que je puisse m’endormir pendant très longtemps, pour m’empêcher d’y penser. Pourquoi le diable ne vient-il pas tout de suite m’emmener ? Cela ne pourrait pas être pire que de rester avec un mari qui ne veut plus de moi. »
    Quelquefois, lorsqu’elle se trouvait en compagnie des habitants du manoir, surtout, elle arrivait presque à se convaincre que ses idées noires n’étaient que le fruit de son imagination, qu’elles étaient dues à son extrême fatigue, que Louis n’était pas plus distant que d’habitude. Il travaillait dur tout comme elle, pour éviter de trop penser. « Il a toujours travaillé dur. Et puis… pourquoi ne dort-il plus avec moi ? Que fait-il de la promesse qu’il a faite de veiller sur moi, de me protéger ? » Une autre voix lui répondait : « Ne sois pas ridicule. Que crois-tu donc qu’il fait à se promener dans la maison en chemise, au beau milieu de la nuit ? Et tous ces remèdes, ces herbes qui doivent coûter une fortune ? » « Je sais bien… Pourtant, la seule chose que je demande est gratuite. Un simple compliment ou un mot aimable, cela me ferait tellement plaisir. J’en ai plus qu’assez de

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