Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
Le salut du corbeau

Le salut du corbeau

Titel: Le salut du corbeau Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Marie Bourassa
Vom Netzwerk:
inaccoutumée de cette journée nuageuse. Au même instant, Hubert et Margot se manifestèrent dans l’allée, peinant côte à côte dans les ornières creusées par les patins du traîneau. Louis interrompit de nouveau son travail pour les regarder arriver. De petits nuages de buée s’échappaient de sa bouche et s’éloignaient en hâte de son visage.
    Margot, à bout de souffle à cause de la montée, dit :
    — Mon vieux s’est enrhumé. Pas capable de rien faire avec. Il est acariâtre comme je ne l’ai jamais vu.
    — Faut quand même pas exagérer, hein, dit Hubert en reniflant.
    Louis rentra à son tour et enleva son floternel* dont le rebord était blanchi par des croûtes de neige à demi fondue. Il ne fut pas en mesure de passer inaperçu comme il l’eût souhaité : une quinte de toux inextinguible le retint sur le pas de la porte. Ses bronches congestionnées crépitèrent alors qu’il s’efforçait de reprendre son souffle. Enfin, les yeux trop brillants, il soupira de fatigue. Hubert, de son côté, se fâcha pour une vétille et donna un coup de pied à un banc qui tomba à la renverse. Le chat jaune nommé Miel qui se trouvait là renversa dans sa fuite par la table une pleine écuelle de noix.
    — Bon Dieu, qu’est-ce qui se passe ici ? demanda Toinot.
    — Ils ne se sentent pas bien, ces deux-là. Je m’en occupe tout de suite, répondit Margot.
    — Ce n’est rien, dit Louis.
    — À d’autres. Allez vous installer là puisqu’on ne saurait vous faire coucher en plein jour. J’ai dit tout de suite.
    Il y avait effectivement lieu de s’inquiéter, car Louis obéit sans se faire prier. Il s’enroula dans une courtepointe et s’enfouit tout grelottant au creux des coussins de son grand fauteuil, où il s’abandonna à une somnolence agitée.
    — Un bassin rempli de neige propre, une tisane à l’écorce de saule et des cataplasmes de moutarde. Ça presse, dit Margot.
    Blandine renchérit :
    — Le fait est que je lui trouve une mauvaise mine depuis un bon moment. Il s’en met trop sur le dos. C’est lui qui fait tout.
    — Hé, ho ! Et nous, alors ? maugréa Hubert.
    — Toi aussi, mon bon petit papa, ta fièvre doit être en train de monter.
    — Ce n’est pas de ça que je parlais, mais laisse tomber.
    — Bon an, mal an, jamais vu ce gars-là attraper la grippe, fit remarquer Toinot en regardant Louis.
    Peu après, Thierry rentra à son tour après s’être occupé de l’attelage.
    — Il est malade ? demanda-t-il en apercevant Louis emmailloté.
    — Non, j’ai froid, dit ce dernier, qui se remit à tousser.
    — Seigneur Jésus ! C’est que ça sonne creux.
    — Louis ? appela une voix qui venait du fond de la maison.
    Immédiatement, Louis s’apprêta à se lever, mais Blandine l’arrêta d’une main sur l’épaule.
    — Laissez, j’y vais.
    Il n’écouta pas et suivit la servante sous les « tss-tss » désapprobateurs de Margot.
    Dans la chambre conjugale, seule la lueur flageolante d’une chandelle dénotait la présence de quelqu’un. Jehanne s’occupait à festonner le rebord d’une petite chemise avec une broderie exécutée à points minuscules. Elle tourna la tête vers lui et il ressentit l’étrange bonheur de voir le visage morne de sa femme reprendre vie à sa seule vue. Blandine le dépassa et entra dans la chambre pour rafraîchir les oreillers et servir à Jehanne un peu d’eau à boire. Depuis un mois environ, elle avait pu recommencer à s’alimenter normalement, mais le moindre travail lui coûtait un effort considérable.
    — Votre mari est venu vous prévenir, dame. Il est malade. Il ne peut pas rester ici avec vous.
    — Malade ? demanda Jehanne, qui s’alarmait.
    — Ne vous en faites pas. Je suis grippé, c’est tout. Tenez, dit-il en posant un paquet enrubanné sur les genoux de Jehanne.
    — Quelle folie êtes-vous allé faire là, Louis ? Dire que je n’ai rien préparé pour vous, moi…
    Elle jeta un coup d’œil navré à la petite chemise abandonnée sur son giron.
    — Ce n’est pas grave.
    — Si vous saviez à quel point je m’en veux. Les autres ont déjà suffisamment de travail comme ça. En plus il faut que je leur laisse tout le mien. Je ne sers à rien.
    — Eh, ne dites pas ça, ma petite dame ! intervint Blandine. Vous oubliez que c’est vous qui travaillez le plus, ici. Et ça va nous donner un de ces cadeaux ! Avec le plus beau des rubans et tout ! Alors, le

Weitere Kostenlose Bücher