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Le salut du corbeau

Le salut du corbeau

Titel: Le salut du corbeau Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Marie Bourassa
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aussi que par-dessus les ruines de ce monde quelque chose de meilleur pourra être édifié.
    Margot fit circuler une grande théière remplie de grog fumant et des écuelles en bois.
    — Comme c’est arrivé avec les Romains, dit Toinot. Un de ces beaux jours, un type creusera dans son jardin et retrouvera mon pot de chambre.
    Ils s’esclaffèrent. Lionel dit :
    — C’est une façon un peu crue de voir les choses, mais j’admets qu’il peut y avoir du vrai. Cela dit, je parlais de quelque chose de beaucoup plus fondamental. Je parle trop, n’est-ce pas ?
    Il n’attendit pas de réponse et reprit :
    — Le but ultime de l’existence est que nous devons tendre vers la perfection divine. Ce que je voulais exprimer, c’est ma conviction que de notre époque, toute noire qu’elle puisse être, émergera quelque chose de grandiose…
    — Un nouveau monde, peut-être, dit Blandine.
    — Précisément. Tu devines mes pensées. Hum, je me demande si Aristote a déjà subi ce genre de frustration au cours de ses envolées lyriques.
    — Blandine ? appela Jehanne d’une petite voix qui se perdit dans les conversations animées et la toux de Louis.
    Son visage était devenu livide. La discussion se tarit brusquement, et la servante se hâta de reconduire Jehanne à la chambre. Lionel les y suivit. Margot retourna à la cuisine. Toinot et Thierry, quant à eux, sortirent s’occuper des bêtes. Louis ne bougea pas.
    Jehanne dit au bénédictin :
    — C’est trop, je ne suis même plus capable de lui parler. Comment voulez-vous que j’arrive à lui demander ce qu’il compte faire de nous ?
    — Je lui parlerai, moi. Il nous faut bien en venir là. Après tout, c’est moi qui ai fait le rêve. Et je suis pasteur. C’est à moi qu’incombe ce devoir.
    — Quel rêve ? demanda Blandine.
    Jehanne ne semblait pas savoir non plus de quoi il parlait. N’ayant aucune envie de leur relater le rêve qu’il avait fait jadis, dans lequel il avait vu Louis tuer Jehanne, il mit un terme à ces réflexions chaotiques et dit :
    — Peu importe. Ce n’était qu’un rêve. Que vas-tu faire, maintenant ?
    — Vous attendre.
    — Ah ! M’attendre. C’est bien, alors j’y vais. À tout de suite.
    Il quitta la chambre et retrouva Louis seul, tel qu’il l’avait laissé. Il prit place en face de lui.
    — Puisque vous n’aimez pas les longs discours, mon fils, j’irai droit au but : ne trouvez-vous pas que cela a assez duré ?
    Louis tourna la tête vers lui et ouvrit complètement les yeux. Lionel poursuivit :
    — Regardez-vous, tous les deux. Qu’êtes-vous en train de faire ?
    — Fichez-moi la paix.
    Les pas lourds de Margot s’éloignèrent en direction de sa chambre, où dormait Hubert.
    — Bonté divine, mes vieilles jambes sont raidies comme deux pieux, fit-elle remarquer.
    Lionel reprit :
    — Écoutez-moi bien, maître Baillehache. Jehanne… je l’aime. Je veux dire… elle est ce à quoi je tiens le plus en ce monde…
    Depuis ce jour où elle avait été confiée à l’abbaye, Jehanne avait meublé un vide dans la vie de Lionel, un vide que Dieu ne pouvait remplir.
    — J’ai déjà perdu une fois quelqu’un que j’aimais autant et ce, par ma propre faute. Pas question que je permette que cela arrive encore, pas si je peux l’empêcher.
    — Mais de quoi parlez-vous ?
    — Que comptez-vous faire d’elle, une fois que le petit sera né ? Allez-vous la répudier ? La dénoncer pour sa faute et ainsi sceller son destin ? Abandonner le bébé ? Là est la cause de son malaise persistant et cela, vous le savez aussi bien que moi. J’exige que vous me disiez une bonne fois pour toutes vos intentions. Répondez-moi comme en confession.
    — Je ne sais pas.
    — Si fait, vous le savez. Seulement, vous ne voulez pas l’admettre.
    — Je ferai ce qu’il y aura à faire. Et ne commettez pas l’erreur de croire que votre tête pelée vous protégera des représailles s’il vous prenait l’envie de vous mettre en travers de mon chemin. J’en ai assez, de vos combines. Vous êtes prévenu.
    — Qu’allez-vous faire de Jehanne ?
    Il prenait un risque énorme. Louis, qui haussait rarement la voix, rugit :
    — Je vous ai dit de me ficher la paix !
    Lionel se releva.
    — Vous rendez-vous compte que par la faute de cette angoisse à laquelle vous la soumettez, votre femme risque de perdre l’enfant ?
    Le regard fiévreux, malheureux de Louis transperça

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