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Le salut du corbeau

Le salut du corbeau

Titel: Le salut du corbeau Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Marie Bourassa
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compte. Savez-vous ce qu’ils font aux mauvais moines en Orient ? Non ? Ils leur percent un trou dans la gorge avec un fer rougi et ils y passent une maille de chaîne. Ils les promènent nus avec et, s’ils essaient de soulager le poids de la chaîne, un confrère charitable les suit et les aide à avancer à coups de fouet.
    Il retira le croc et s’approcha pour ouvrir le pilori. Lionel roula hors de l’instrument, dans la neige souillée. Il regarda le feu presque éteint dans lequel subsistait encore une couverture de cuir rouge aux coins racornis et leva les yeux sur la silhouette noire et menaçante du bourreau, qui se découpait à contre-jour. Le portail de l’abbaye s’ouvrit pour livrer passage à deux moines qui s’avancèrent rapidement vers eux, leur capuce relevé et leurs mains glissées dans leurs manches amples.
    Alors qu’ils emportaient Lionel en le soutenant, Louis avisa un homme à longue barbe qui s’était discrètement approché des débris noircis d’où montaient encore quelques fumerolles. Il se pencha pour tenter de ramasser une couverture rouge. Le bourreau marcha dans sa direction et le repoussa avec son bâton.
    — Hé, qu’est-ce que vous faites là, vous ?
    L’homme se redressa et, sans un mot, scruta Louis d’un regard empli de compassion.
    — Je vous reconnais, dit-il avec douceur après un moment.
    — Hein ?
    — J’ai nom Nicolas Flamel.
    — Ah. Et vous voulez quoi ?
    Louis se souvenait de ce nom-là. L’homme ajouta :
    — Hélas, rien. Mais certains des livres que vous avez mis au feu aujourd’hui furent jadis en ma possession.
    Il sourit. Louis ne sut trop que faire.
    — Eh bien, vous avez de la chance de ne pas vous être retrouvé à la place du moine. Bon, allez, du vent.
    — Votre infortunée victime, un ange déchu aux paroles d’or, est un mien ami. J’étais très inquiet pour lui, vous savez. Mais, baste ! le père Lionel m’a écrit que vous allez bientôt être gratifié de ce grand bonheur qu’est la paternité.
    Les yeux de Louis s’agrandirent d’incrédulité. Toujours souriant, imperturbable, Flamel attendait une réponse. Il acquiesça.
    — Permettez-moi donc de vous féliciter à l’avance et transmettez mes meilleures salutations à votre dame, dit Flamel.
    Au vu et au su de tous, il lui donna la main. Louis hésita avant de la prendre.
    — C’est ça.
    Un peu confus, le bourreau s’éloigna. Nicolas Flamel le salua affectueusement de la main et dit tout bas :
    — Le processus de transmutation est enfin prêt à débuter.
    *
    Hiscoutine, hiver 1371-1372
    Entre les heures écoulées à tisser et à broder de tendres petits objets, Jehanne se faufilait parfois à l’insu de Louis dans la chambrette de Lionel pour y faire un brin de ménage. Le moine lui manquait et c’était pour elle le seul moyen de tromper son ennui. Il lui arrivait de trouver des parchemins aux sceaux brisés qu’elle devait extraire de leurs cachettes parmi les livres rescapés. La calligraphie de la plupart d’entre eux lui était inconnue, mais elle pouvait deviner de qui provenaient ces lettres. Un jour, elle ne se rendit même pas compte qu’elle s’était assise pour en lire une, qui devait bien dater de dix ans :
    La vie humaine est en de nombreux points comparable à celle des métaux : c’est au cours des toutes premières années de sa vie, alors qu’il n’est pas sorti depuis longtemps du creuset divin, que l’individu est le plus malléable. S’il peut être blessé aisément, il peut aussi être réparé facilement, du moins dans une certaine mesure. Il entreprend sa vie avec certaines qualités qui le prédisposent à prendre une direction ou l’autre parmi une multiplicité de choix.
    Mais tempus fugit (47) et avec lui les bienfaits relatifs de la prime jeunesse : le métal refroidit et il devient plus ardu de le manœuvrer. De même, le caractère humain a tendance à se fixer davantage. L’anneau d’or fabriqué par un orfèvre aura de moins en moins de chances de devenir autre chose qu’un anneau au fur et à mesure qu’il sera modelé, ouvragé et serti de gemmes. Si l’orfèvre change d’idée en cours de route et souhaite en faire l’ornement d’un calice, il devra remettre l’anneau à la fonte. Ce qui revient donc à dire que, plus le temps passe, plus l’impact de ce retour au creuset doit être considérable pour être à même de produire des changements fondamentaux dans la structure,

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