Le Sang d’Aphrodite
matinée, au moment où ils devaient prendre une collation. Elle ajouta qu’à première vue cette pièce était la seule que l’assassin avait visitée. Avant de partir pour le palais, elle avait verrouillé la porte pour s’assurer que rien ne serait déplacé en son absence. Artem approuva cette précaution d’un hochement de tête. Il ordonna à Philippos et aux Varlets de passer au crible le reste de la demeure, ainsi que le jardin, à la recherche des moindres traces que l’assassin aurait pu laisser derrière lui.
— Dame Vesna, il faut que tu accompagnes mes collaborateurs pour signaler tout ce qui te paraîtra étrange ou inhabituel, expliqua-t-il à la jeune femme. Quant à moi, je vais me consacrer au lieu du crime. Venez tous m’y retrouver dès que vous aurez fini.
Ayant déverrouillé la porte, Vesna s’éloigna le long du couloir, suivie de Philippos et des Varlets. Artem pénétra dans l’officine et s’accroupit près du cadavre qui gisait dans une flaque de sang, à côté du seuil. Le tueur s’était acharné sur sa victime, la poignardant à plusieurs reprises. Artem souleva délicatement la tête de l’apothicaire pour scruter son visage figé par la mort. Il se souvint de Klim tel qu’il l’avait vu la veille, avec ses yeux vifs et intelligents, sa bouche moqueuse et toute sa physionomie animée et spirituelle. Tandis que le cadavre le fixait de ses yeux vitreux, il ressentit un pincement au cœur. Il lui ferma les paupières, notant mentalement que les traits de l’apothicaire présentaient une expression d’étonnement poussé jusqu’à la stupeur. Il venait de terminer son examen quand Vesna, Philippos et les Varlets entrèrent dans l’officine.
— Boyard, puis-je interroger dame Vesna avant de te faire mon rapport ? demanda Philippos.
Artem approuva. Pendant que le garçon et la jeune femme inspectaient la pièce tout en se parlant à voix basse, Mitko déclara :
— Nous avons exploré le jardin, boyard ; pour s’y introduire, il suffit de pousser le portillon. L’assassin a pénétré dans la maison par la fenêtre de l’officine et l’a quittée par la même voie. C’est tout ce qu’on peut dire d’après le peu de traces qu’on a relevées sur l’herbe ; la terre est trop dure et sèche car il n’a pas plu depuis plusieurs jours.
Le droujinnik leur posa encore quelques questions, puis leur ordonna de transporter le corps de Klim à la chapelle princière. Les Varlets le posèrent sur la civière et le recouvrirent d’un drap jusqu’au cou. Alors Vesna vint s’agenouiller auprès du défunt et scruta son visage un long moment, avant de déposer un baiser sur son front. En se relevant, elle chancela et Artem se précipita pour la soutenir. La jeune femme se mordit la lèvre, luttant contre sa faiblesse. Elle s’écarta du droujinnik et le fixa d’un regard qui brillait d’un éclat fiévreux.
— Je veux que tu me permettes de t’assister dans tes recherches, boyard, dit-elle d’une voix ferme. Je n’aurai pas un instant de repos tant que ce monstre restera en liberté.
— Nous en reparlerons, éluda le droujinnik. Tu nous aides déjà en répondant à nos questions.
Sur un signe d’Artem, les Varlets emportèrent la civière. Puis Philippos prit la parole :
— Après examen des lieux et interrogatoire de l’épouse de la victime, je peux affirmer que l’assassin était à la recherche des registres de Klim, déclara-t-il, imitant involontairement la manière de parler d’Artem. Au lieu d’utiliser des rouleaux d’écorce isolés, l’apothicaire notait ses opérations commerciales sur parchemin, dans un livre relié. Il le rangeait sur cette étagère dissimulée derrière le rideau. Maintenant, il se trouve sur la table, là où le meurtrier l’a abandonné après avoir arraché les pages compromettantes. J’ai pu constater qu’il y en avait trois. C’est tout ce que l’on sait pour l’instant… N’est-ce pas, dame Vesna ?
— Ton fils m’a interrogée sur les pages manquantes, boyard, dit la veuve. Navrée de ne pouvoir t’aider ! Je suis incapable de dire ce qu’elles contenaient.
— Comme rien d’autre n’a été volé, c’est bien le mobile du crime, poursuivit Philippos. Inutile de préciser que Klim connaissait son assassin. Il s’agit sans doute de ce mystérieux client et complice de l’apothicaire contre lequel nous l’avons mis en garde… Maintenant, j’ai une dernière question pour
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