Le Sang d’Aphrodite
engagé un excellent maître d’armes varègue. C’est lui qui m’a entraînée… Comme tu vois, je n’ai pas perdu la main ! conclut-elle avec un petit rire.
Philippos s’inclina légèrement, comme pour saluer sa prestation. Puis il bondit, exécutant un tour de force enseigné par Vassili : balancer violemment la jambe en sorte que son talon vienne heurter la tempe de l’adversaire. Mais Svetlana s’écarta, leste et souple comme une chatte, et se glissa de côté, avant de se ruer sur lui l’épée en avant. Il parvint à se dérober et recula précipitamment. Svetlana se fendit pour lui porter un coup mortel mais se figea au dernier moment, se contentant de lui effleurer la gorge de son arme. Pétrifié, il croisa son regard : plein de haine meurtrière, il était immobile et flou, comme si Svetlana fixait non pas Philippos mais quelque fantôme derrière lui. « Elle est folle à lier, pensa-t-il, terrifié. Combien de meurtres a-t-elle commis ? Toutes ces malheureuses – mais aussi Kassian et Igor, sans parler de Nadia, ma bien-aimée. Et maintenant, c’est mon tour ! »
Cependant, Svetlana avait recouvré son calme et affichait une attitude froide et déterminée.
— Ne cherche pas à me rouler, tu n’y parviendras pas ! avertit-elle. Fils d’Artem, je n’ai rien contre toi, ne m’oblige donc pas à te tuer ! Je te propose un marché : je te laisse la vie sauve, mais tu devras confirmer mon histoire devant le Tribunal. Il te suffira de déclarer que mon misérable époux était bien le meurtrier aux aromates, et que, sans mon intervention, Vesna et toi-même auriez péri de sa main. En contrepartie, je consens à restituer le collier d’Olga et le bracelet d’Anna : je peux me passer de ces joujoux… Ils constitueront l’ultime preuve de la culpabilité d’Igor. Qu’en dis-tu ?
— Jamais de la vie ! jeta Philippos sans réfléchir.
— Je crains que tu ne sois pas en position de refuser, rappela Svetlana en lui soulevant le menton de la pointe de sa lame. Je te tiens à ma merci ! Un geste imprudent, et je te passe mon épée au travers du corps. Tu me dois la vie, boyard, et ton honneur t’oblige à me rendre cette dette. En outre, tous les indices réunis au cours de votre enquête prouvent que c’est Igor l’assassin. Le boyard Artem lui-même était arrivé à cette conclusion… je me trompe ?
Le garçon garda le silence, cherchant à dissimuler son embarras.
— Qui ne dit mot consent, fit Svetlana avec un petit sourire. De plus, l’infâme a déjà reçu son châtiment, et le Tribunal peut enfin clore cette pénible affaire. Tout le monde sera content : le prince, le boyard, le vieil Edrik et moi… Ah, on peut dire que tout a marché à merveille – avec, en prime, la participation de ta précieuse personne !
Elle eut un ricanement en voyant Philippos s’empourprer de colère.
— Tu ne pouvais pas savoir que je serais là ! ne put-il s’empêcher de remarquer.
— Oh si, à une heure près ! J’étais sûre de te croiser, toi ou encore les Varlets, ou quelque autre sbire du Tribunal. Grâce à ta visite, je savais que ton père avait suivi la piste des flacons comme je l’avais prévu et qu’il s’apprêtait à arrêter le coupable. Un peu plus tard, un de mes petits informateurs est accouru pour me dire que mon mari venait de partir pour son repaire avec sa nouvelle prise. Alors, j’ai imaginé le plaisir que j’aurais à lui dessiller les yeux, avant de le voir crever à mes pieds. Le tout, c’était d’arriver à point et d’intervenir à propos… Et maintenant, va chercher l’aryballe ! commanda-t-elle en baissant son épée.
Elle désigna la cape qui dissimulait l’objet et observa Philippos pendant qu’il le ramassait.
— Voilà qui est bien ; garde donc cette preuve, tu la remettras à ton père. Tu feras un témoin de choix !
— Prends garde, dame Svetlana ! rétorqua Philippos. Tu avais accès à tout ce qui était à Igor, pas vrai ? Cette preuve peut aussi servir contre toi.
— Que non ! ricana Svetlana. Elle n’est valable que contre l’homme qui utilisait le Sang d’Aphrodite pour parfumer ses amantes, et c’était l’aphrodisiaque préféré de mon époux ! Plusieurs de nos domestiques peuvent confirmer que Klim le fournissait en diverses essences aromatiques, y compris celle-ci. L’apothicaire n’ignorait rien des escapades d’Igor. Ils étaient complices depuis leur aventure à
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