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Le Sang d’Aphrodite

Le Sang d’Aphrodite

Titel: Le Sang d’Aphrodite Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Elena Arseneva
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tard !
    Souriant dans sa moustache, Artem hocha la tête. Il eût été cruel de priver Philippos de cette fête que les jeunes gens affectionnaient tout particulièrement. Elle avait lieu au début de septembre et concernait à l’origine les jeunes mariés, mais aussi ceux qui devaient s’installer dans un nouveau logement. On prenait dans l’ancien foyer quelques tisons ardents qu’on transportait en grande pompe jusqu’à l’âtre de la nouvelle isba, on attisait les flammes, et tandis que le feu flambait joyeusement, on ripaillait et on s’amusait jusqu’au petit matin. Avec le temps, cette coutume s’était transformée en fête populaire célébrée tous les ans. Le jour du Feu nouveau, les femmes nettoyaient la maison de fond en comble, les hommes réparaient et bricolaient, les enfants entassaient dans la cour paillasses, matelas et vêtements usés qu’on allait brûler le soir même. Puis on invitait amis et voisins pour honorer le Feu nouveau et se protéger ainsi du mauvais œil, mais aussi des esprits maléfiques prompts à semer la discorde au sein d’une famille. Pendant la cérémonie, l’un des participants interprétait le rôle du domovoï , le génie protecteur du foyer que le peuple se représentait sous les traits d’un vieux moujik hirsute et bougon.
    — Il faut que je parte tout de suite, poursuivit Philippos. Nadia m’a demandé de venir en avance. Elle pense que je pourrai jouer le domovoï ! Moi, je suis d’accord, mais il faut qu’elle me dégote un déguisement digne de ce nom.
    Artem acquiesça distraitement, tandis que l’image de la belle Vesna s’imposait de nouveau à son esprit. Il était peu probable que Klim et sa femme soient tentés par ces réjouissances, aussi résolut-il de leur rendre visite. Il n’arrivait plus à lutter contre son désir de revoir l’épouse de l’apothicaire.
    — Viens, nous pouvons faire un bout de chemin ensemble, proposa-t-il à Philippos. J’ai l’intention de me rendre chez Klim, puisqu’il prétend pouvoir me renseigner sur n’importe quelle substance aromatique.
    — Ah, j’ai failli oublier ! s’exclama Philippos alors qu’ils se dirigeaient vers le portail. J’ai quelque chose d’important à te dire à ce sujet. Ça m’est revenu tout à l’heure, mais je ne voulais pas en parler devant Manouk.
    Philippos se tut pendant qu’ils passaient devant les gardes. Quand ils se furent engagés dans la grand-rue, il lança un coup d’œil méfiant alentour et reprit la parole en baissant la voix :
    — Cette odeur, dans la chapelle… Je l’ai reconnue ! Hier au soir, j’ai croisé quelqu’un qui portait le même parfum. C’était sûrement le meurtrier d’Olga !
    Haussant les sourcils, Artem lui jeta un regard amusé.
    — Le meurtrier en personne, rien que cela ! Garde ces fables pour Nadia et ses amies, tu auras un beau succès auprès de ces péronnelles !
    — Je dis la vérité ! insista le garçon. Écoute-moi au lieu de te moquer !
    Il raconta comment, la veille au soir, Nadia et lui avaient rencontré en flânant un boyard élégant vêtu d’une ample cape de soie noire.
    — Quand j’ai senti ce parfum, j’ai failli me précipiter à la suite de cet homme. Je n’avais aucune idée de ce que c’était comme odeur, mais je mourais d’envie de la respirer encore et encore. C’était vraiment une sensation bizarre !
    — Tu n’as pas eu la même réaction tout à l’heure, dans la chapelle, observa Artem.
    — Cela ne m’a pas fait le même effet parce qu’on était devant le cadavre de cette pauvre Olga. Pourtant, c’était le même parfum, je l’ai reconnu dès que nous sommes entrés ! Je crois qu’il a le pouvoir de jeter un enchantement sur la personne qui le respire. Mais son efficacité dépend des circonstances. Cela prouve qu’il n’est pas magique !
    — Cette maudite drogue n’a rien de surnaturel, on est bien d’accord. Quant au reste… Es-tu sûr qu’il ne s’agit point de ton pouvoir d’inventer ? Je connais ton imagination, elle galope plus vite que le meilleur destrier de Vladimir !
    — Quand bien même ce serait un cheval ailé, ça ne m’empêche pas d’avoir les pieds sur terre, rétorqua sèchement Philippos.
    — Bon, admettons que tu aies raison. Saurais-tu décrire cet individu ?
    — Et comment ! Il avait le front caché sous le capuchon, le menton plongé dans le col, les mains rentrées dans les manches, et sa silhouette était

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