Le Sang d’Aphrodite
essuya de sa manche les gouttes de sueur qui perlaient à son front.
— Je suppose que tu as pu constater par toi-même, boyard, de quelle façon barbare le corps de la malheureuse a été supplicié, poursuivit-il en désignant le cadavre.
Artem leva la main pour l’empêcher de parler, mais le médecin interpréta son geste autrement. Il souleva le drap, découvrant le corps d’Olga.
— Les parties génitales ont été découpées, et…
Avant qu’il n’eût terminé sa phrase, Philippos devint verdâtre et se rua hors de la chapelle. Le droujinnik étouffa un juron et s’élança à sa suite aussi vite que sa légère claudication le lui permettait. Il aperçut tout de suite le garçon qui, appuyé contre le mur de la chapelle, vomissait tripes et boyaux. Artem se précipita pour lui essuyer le visage avec son mouchoir. Quelques instants plus tard, Philippos se redressa, respirant l’air frais à longues goulées.
— Désolé, je n’ai pas encore l’estomac à toute épreuve, parvint-il à articuler. J’ai été pris par surprise.
— Allons, ce n’est rien, murmura le droujinnik. C’est fini.
Philippos lui lança un regard furieux et riposta :
— Qu’est-ce qui est fini, je me le demande ? Arrête de me parler comme à un enfant ! C’est loin d’être fini, tu le sais aussi bien que moi ! Et je tiens à comprendre de quoi cet homme… ce monstre est capable.
Il se tut, les yeux rivés sur la chapelle.
— Celui qui a commis ces atrocités, martela Artem, est un homme dénaturé dont l’âme est ravagée par la folie et la haine. Je voulais t’épargner ce spectacle.
— Tu as eu tort ! trancha Philippos. Si je suis en âge de me battre aux côtés du prince qui fait la guerre aux Koumans, c’est que je peux regarder la mort en face, et sous n’importe quelle forme ! Mais il n’y a pas que ça. Toi aussi, tu mènes une guerre sans merci, et tes ennemis sont plus redoutables que les nomades de la steppe. Ce ne sont point des fils d’Ismaël, ce sont des fils de Caïn ! Il ne suffit pas de brandir son épée pour les combattre. Mais j’apprendrai ce qu’il faut et je resterai à tes côtés, que tu le veuilles ou pas !
Surpris et ému, Artem étreignit le garçon. Philippos se blottit contre lui un instant, puis s’écarta pour le regarder.
— Il faut que tu me fasses une promesse, boyard, dit-il avec gravité. À l’avenir, tu ne chercheras plus à me cacher aucun détail concernant cette affaire !
Artem leva la main droite d’un geste solennel.
— Tu as ma parole !
Apaisé, Philippos déclara :
— Retournons écouter la suite du rapport de Manouk. Et ne me dis pas que je ferais mieux de t’attendre ici !
Artem acquiesça, résigné. Ils pénétrèrent dans la chapelle et rejoignirent le médecin qui avait soigneusement recouvert le cadavre du drap. Attentif, Manouk les dévisagea en silence.
— Poursuivons, lança le droujinnik. As-tu découvert quelque indice utile en examinant le corps ?
— J’ai inspecté avec minutie les mains de la jeune fille, mais je n’ai trouvé nulle trace suspecte sous les ongles : pas de sang ni de morceau de peau. Ses bras, ses jambes, sa poitrine ne présentent pas de contusions. Selon toute vraisemblance, la victime n’a pas cherché à se défendre.
— Est-ce qu’elle a été… torturée de son vivant ? demanda Philippos d’une voix fluette.
— Assurément pas ! se hâta de répondre le médecin. L’assassin ne s’est acharné sur elle qu’après lui avoir porté le coup fatal. Celui-ci a provoqué une hémorragie abondante, alors que les entailles pratiquées après la mort n’ont presque pas saigné.
— Le boyard Edrik a-t-il vu ces blessures ? s’enquit Philippos en se tournant vers Artem.
— La robe d’Olga les dissimulait, répondit le droujinnik. J’ai ordonné aux domestiques de transporter le corps dans une pièce isolée avant de procéder à un premier examen. Cette épreuve a donc été épargnée à Edrik. Quant à la toilette mortuaire, elle sera faite par des femmes, comme la tradition l’exige. Les servantes d’Olga s’en chargeront. Autre chose, Manouk ?
— Oui, boyard. En dépit de ces horribles mutilations… commença le médecin en jetant un coup d’œil prudent vers Philippos. Bref, j’ai pu examiner les entrailles de la victime. La présence de liqueur séminale prouve qu’Olga s’était livrée à l’acte de chair peu avant sa mort. Par
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