Le sang des Borgia
scroti le frappèrent sans merci, tandis qu’il s’efforçait de retenir ses cris de douleur. Puis l’un des agresseurs le frappa en plein visage sur le nez. Alfonso entendit l’os se briser et perdit connaissance.
Un des assassins, sortant un stylet, venait de l’entailler du cou au ventre, quand un garde pontifical poussa un grand cri. Aussitôt les assaillants s’enfuirent en courant et se perdirent dans les rues donnant sur la place.
Le garde examina les blessures d’Alfonso, qui paraissaient graves. Il ne savait que faire : chercher de l’aide ? Se lancer à la poursuite des tueurs ? À la faible lueur de la lune, il reconnut le jeune homme : c’était le gendre du pape !
Il appela frénétiquement à l’aide et, ôtant sa cape, tenta d’endiguer le flot de sang qui coulait de la poitrine du blessé. Sans cesser de hurler, il le souleva et l’emmena jusqu’aux locaux voisins de la garde pontificale, où il le déposa précautionneusement sur un lit.
Le médecin du Vatican arriva en toute hâte. Fort heureusement, la plaie à la poitrine n’était pas trop profonde et, d’après ce qu’il pouvait voir, aucun organe vital n’avait été touché. L’arrivée providentielle du garde, la promptitude de sa réaction avaient sauvé la vie du jeune homme.
Homme d’expérience, le médecin regarda autour de lui ; apercevant une fiasque d’eau de vie, il fit signe qu’on la lui donne. Il en versa le contenu sur la blessure, qu’il entreprit ensuite de recoudre. Il ne pouvait toutefois faire grand-chose pour le nez du prince, sinon y placer une compresse en espérant que les dégâts ne seraient pas trop graves.
Duarte Brandao s’en vint trouver le pape et, le prenant à part, lui apprit la nouvelle.
Alexandre ordonna qu’on amène Alfonso dans ses appartements, et qu’on l’y mette au lit. Seize gardes pontificaux parmi les plus fidèles le protégeraient. Duarte se vit enjoindre d’envoyer de toute urgence au roi de Naples un message qui lui apprendrait la nouvelle, tout en lui demandant de faire venir à Rome son propre médecin, ainsi que Sancia, qui veillerait sur son frère et réconforterait Lucrèce.
Le pape redoutait d’avoir à informer celle-ci, mais il le fallait. Revenant à table, il lui dit :
— Il s’est passé quelque chose sur la place… Alfonso a été attaqué par un groupe de fripouilles.
Sidérée, elle se leva :
— Où est-il ? Est-il blessé ?
— Ses blessures sont graves mais, espérons-le, pas mortelles.
Elle se tourna vers ses frères :
— César, Geoffroi, faites quelque chose ! Trouvez les assassins, tuez-les et faites-les dévorer par des chiens ! Puis elle éclata en sanglots :
— Père, conduis-moi auprès de lui !
Il l’emmena au plus vite, tandis que les deux autres les suivaient.
Alfonso était inconscient ; tout son corps était couvert de compresses de coton, le sang coulait encore des blessures qu’il avait au visage.
Lucrèce poussa un hurlement et s’évanouit. Geoffroi la rattrapa de justesse et, la soulevant, la déposa dans un fauteuil. Lui-même en état de choc, il remarqua pourtant que César, dont le visage était dissimulé sous un masque, ne trahissait guère d’émotion.
— Pourquoi l’a-t-on attaqué ? demanda Geoffroi. Il n’apercevait que les yeux de son frère, qui paraissaient brûlants.
— Chacun de nous a plus d’ennemis qu’il ne le croit, répondit César. Je vais voir ce que je peux découvrir. Puis il quitta la pièce.
Quand Lucrèce revint à elle, elle ordonna aux serviteurs d’apporter de nouveaux bandages et de l’eau tiède. Elle leva le drap, voulant voir quelles étaient les blessures infligées à son bien-aimé mais, voyant l’énorme entaille, blêmit et alla se rasseoir.
Elle et Geoffroi passèrent la nuit à attendre qu’Alfonso ouvre les yeux. Mais il fallut deux jours pour que le jeune homme remue. Le médecin du roi de Naples était arrivé entre-temps, tout comme Sancia. Bouleversée, celle-ci voulut embrasser son frère sur le front, mais il était couvert de blessures ; elle prit donc sa main et y déposa un baiser.
Elle embrassa Lucrèce et Geoffroi – lequel, même en ces pénibles circonstances, ne put dissimuler son plaisir de la revoir. Elle lui paraissait plus belle que jamais, et il l’aimait davantage encore à voir ses yeux remplis de larmes .
S’asseyant près de Lucrèce, Sancia prit sa main :
— Ma chère sœur, il est horrible de penser que des
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