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Le sang des Borgia

Le sang des Borgia

Titel: Le sang des Borgia Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Mario Puzo
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rien.
    Parfois, elle était accablée de désespoir : alors elle se couchait, pleurant Alfonso et craignant pour elle-même.
    — Que m’arrive-t-il donc ? demanda-t-elle à Sancia. Celle-ci vint s’asseoir au bord du lit et lui caressa le front.
    Tu te rends compte désormais que tu n’es qu’un pion dans le jeu de ton père. Beaucoup moins important que la conquête par ton frère de territoires qui reviendront à la famille Borgia ! C’est une vérité difficile à admettre.
    — Mais père n’est pas comme ça ! Il a toujours voulu mon bonheur !
    — Ah bon ? dit Sancia d’un ton sarcastique. J’avoue que je ne m’en étais jamais rendu compte. Mais il faut que tu ailles bien, il faut que tu sois forte, car tes enfants ont besoin de toi.
    — Et ton propre père ? demanda Lucrèce. Prend-il soin de toi ? Te traite-t-il comme il faut ?
    — Ni l’un ni l’autre… depuis l’invasion française, il est très malade – certains disent qu’il est fou. Je le trouve pourtant plus affectueux qu’autrefois. À Naples, il reste dans une tour du palais, veillé par toute la famille. Parfois, il se met à hurler : J’entends la France ! Les arbres et les rochers l’appellent ! Je crois quand même qu’il est préférable à ton père. Car, avant, je ne faisais pas partie de son monde, ni lui du mien. Il n’était jamais que mon père, l’amour que j’avais pour lui n’était pas assez puissant pour m’affaiblir.
    Lucrèce pleura davantage encore, car il y avait dans les paroles de Sancia une vérité impossible à nier. Elle tenta de voir en quoi son père avait changé.
    Il lui avait parlé d’un Dieu joyeux et compatissant, mais celui qu’il servait était vengeur et souvent cruel. Le cœur de Lucrèce battit quand elle osa penser : « Pourquoi tant de mal au nom du bien et de Dieu ? »
    C’est alors qu’elle mit enfin en question la sagacité de son père. Tout ce qu’elle avait appris était-il vraiment bon et juste ? Son père était-il vraiment le vicaire du Christ sur la terre ? Son jugement était-il celui de Dieu ? Car elle savait avec certitude que le Dieu qu’elle vénérait n’était pas celui qui chuchotait à l’oreille d’Alexandre.
    Moins d’un mois après la mort d’Alfonso, le pape se mit à chercher un nouvel époux pour sa fille. Il n’ignorait nullement que cela pouvait paraître cruel, mais il songeait à l’avenir de Lucrèce, ne voulant pas qu’après sa propre mort elle se retrouve seule et abandonnée.
    Il convoqua donc Duarte Brandao dans ses appartements pour discuter de la situation.
    — Que penses-tu de Louis de Ligny ? Après tout, il est cousin du roi de France !
    — Je ne crois pas que Lucrèce l’accepterait, répondit simplement Duarte.
    Alexandre envoya à Nepi un message destiné à sa fille. Qui répondit simplement : « Je ne veux pas vivre en France. »
    Il lui proposa ensuite Francisco Orsini, duc de Gravina.
    « Je ne souhaite pas me remarier », écrivit-elle.
    Quand il lui demanda quelles étaient ses raisons, la réponse de Lucrèce fut simple : « Mes deux maris n’ont pas eu de chance, je ne veux pas en avoir un autre sur la conscience. »
    Le pape appela de nouveau Brandao :
    — Elle est impossible ! Têtue ! Exaspérante ! Je mourrai bien un jour, et alors il n’y aura plus que César pour la protéger !
    — Elle semble bien s’entendre avec Geoffroi et Sancia, dit Duarte. Il se peut qu’il lui faille du temps pour surmonter son chagrin. Rappelez-la à Rome, et attendez l’occasion de lui demander de réfléchir. Nepi est trop loin d’ici, et un nouvel époux trop proche du précédent.
    Les semaines passèrent tandis que Lucrèce s’efforçait de surmonter son chagrin et de trouver une raison de vivre. Puis un soir, alors qu’elle était au lit et lisait à la lueur d’une chandelle, Geoffroi entra dans sa chambre.
    Il était coiffé d’un bonnet de velours vert ; ses yeux rougis trahissaient le manque de sommeil. Il s’était retiré très tôt, et elle fut surprise de le voir ainsi, comme s’il allait sortir. Toutefois, avant même qu’elle ait le temps de lui poser la question, il se mit à parler, comme si les mots lui étaient extirpés de force :
    — J’ai fait des choses dont j’ai honte, et pour lesquelles je me condamne. Aucun dieu ne me jugerait de cette façon. Et père aussi me condamnerait, moi qui ne l’ai jamais jugé.
    Elle se redressa dans son lit :
    — Qu’as-tu donc

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