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Le sang des Borgia

Le sang des Borgia

Titel: Le sang des Borgia Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Mario Puzo
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seul vrai moyen d’honorer le Créateur ? Le monde des hommes était plein de ruses et de fourberies ; ce n’était qu’ici, dans le palais de leur père, que les deux jeunes gens pouvaient se sentir en sécurité. Il était de son devoir d’y veiller. Ces instants de plaisir leur permettraient d’affronter les épreuves et les tourments qui les attendaient.
    Le grand lit de plumes était tendu de draps de soie, et quand Lucrèce s’y laissa tomber, elle pouffa. César se précipita à ses côtés sans perdre de temps.
    — Père ! s’écria-t-elle. César me fait mal !
    Alexandre se leva :
    — Mon fils, est-ce ainsi que tu as appris à faire l’amour à une femme ? Quelle honte ! C’est sans doute ma faute, car sans moi, comment aurais-tu appris à trouver le paradis sur cette terre ?
    César se leva, le regard brûlant : il se sentait rejeté par sa sœur, condamné par son père. Mais son ardeur n’avait pas diminué pour autant…
    Alexandre vint vers eux :
    — Viens ici, mon fils. Et toi, Lucrèce, rapproche-toi. Prenant la main de César, il lui fit caresser le corps de la jeune fille, lentement, tendrement. D’abord le visage, puis le cou, les petits seins fermes…
    — Mon fils, ne va pas si vite ! Prends le temps de savourer la beauté. Il n’y a rien de plus beau au monde qu’un corps de femme. Si tu te hâtes, tu ne sauras jamais ce qu’est faire l’amour, et tu feras peur à ta malheureuse partenaire…
    Lucrèce avait les yeux mi-clos, elle respirait plus vite en sentant la main de son frère caresser son corps. Elle voulut crier quand il atteignit son ventre, mais c’était impossible : elle frémissait de la tête aux pieds.
    — Père, chuchota-t-elle, n’est-ce pas un péché que de ressentir tant de plaisir ? Je n’irai pas en enfer, hein ?
    — Crois-tu que je laisserais ton âme courir un danger mortel ? répondit-il.
    Tenant toujours la main de César, il était désormais si proche de la jeune fille que la violence de sa propre réaction le fit frémir. S’éloignant, il dit à son fils, d’une voix rauque :
    — Maintenant, prends-la, mais doucement. Doucement ! Sois un amant, sois un homme !
    Puis il traversa la pièce en toute hâte pour aller se rasseoir sur son trône. Mais, quand il entendit sa fille geindre et geindre encore, il se fit peur. Son cœur battait trop fort, trop vite, il se sentit pris de vertiges ; jamais il n’avait rien éprouvé d’aussi fort. Et brusquement, il comprit. Vicaire du Christ sur la terre, il avait joué le rôle du serpent dans le jardin d’Éden. Et il avait été tenté. Plus jamais, il ne devrait toucher cette enfant, de peur d’être condamné à la damnation éternelle. Ce qu’il éprouvait témoignait assez de son péché.
    Il pria la sainte Trinité de ne plus jamais l’exposer à la tentation. « Délivrez-moi du mal », chuchota-t-il ; et quand de nouveau il leva les yeux, ses deux enfants étaient allongés sur le lit, nus et épuisés.
    — Rhabillez-vous et venez près de moi, dit-il d’une voix faible.
    Ils s’agenouillèrent devant lui. Lucrèce avait des larmes dans les yeux :
    — Merci, père. Je ne pouvais imaginer me donner à un autre sans avoir connu cela d’abord. J’aurais dû avoir peur, et pourtant j’ai éprouvé tant de plaisir…
    Elle se tourna vers son frère :
    — César, je te remercie aussi. Jamais je ne pourrai aimer quelqu’un comme je t’ai aimé à ce moment.
    Son frère sourit mais ne répondit rien.
    Alexandre croisa son regard et y lut quelque chose qui le troubla. Il n’avait pas songé à avertir son fils des dangers de l’amour, qui donne tant de pouvoir à la femme et met l’homme en péril. Cette journée aurait dû être une bénédiction pour sa fille, renforcer la dynastie des Borgia. Peut-être serait-elle, en définitive, une malédiction pour César.

5
    Le jour où Giovanni Sforza, duc de Pesaro, arriva à Rome, le pape organisa un grand défilé de célébration. Il savait en effet que le More, l’oncle du jeune homme, y verrait un signe de respect, une preuve de la sincérité d’Alexandre.
    Ce dernier obéissait toutefois à d’autres considérations. Souverain pontife, il connaissait son peuple et savait qu’il appréciait de telles réjouissances. Elles l’assuraient de sa bienveillance, comme de celle du Père Céleste, et mettaient un peu d’animation dans son existence. Faire la fête était l’occasion d’oublier la grisaille de la

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