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Le sang des Borgia

Le sang des Borgia

Titel: Le sang des Borgia Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Mario Puzo
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aurait été repris sur-le-champ.
    L’après-midi, après l’arrivée de tous les invités, César s’éclipsa. Sortant du Vatican à cheval, il partit au galop et, quittant Rome, s’en fut errer à travers la campagne. Il n’avait passé que quelques instants avec Sforza mais le haïssait déjà. C’était une brute, un vantard, un crétin ! Encore plus niais que Geoffroi, et plus arrogant que Juan ! Quel époux pour sa pauvre sœur ! Quand il la reverrait, que pourrait-il bien lui dire ?
    Juan, au contraire, était très attiré par le nouveau venu. Il avait peu d’amis à la cour du pape ; son seul véritable compagnon était le prince turc Djem, frère du sultan qui, en signe de bonne volonté, l’avait envoyé à Rome pour être l’otage du pape.
    Le sultan Bayézid II avait en effet passé un accord avec le pape Innocent VIII. Il redoutait une nouvelle croisade à l’occasion de laquelle son frère pourrait monter sur le trône. Il l’avait donc remis à la papauté à qui il versait quarante mille ducats par an. À la mort de son prédécesseur, Alexandre Borgia avait renouvelé l’accord ; il traitait son otage en hôte respecté. Quel meilleur moyen de remplir les coffres de l’Église que d’y verser l’argent des infidèles ?
    Agé d’une trentaine d’années, Djem, sombre de peau, moustachu, d’allure un peu maussade, tenait à garder son costume oriental, et Juan ne tarda pas à l’imiter, du moins en dehors des occasions officielles. Bien que le frère du sultan eût deux fois l’âge du jeune homme, ils s’entendaient fort bien, allaient partout ensemble ; le Turc semblait avoir beaucoup d’influence sur le fils du pape. Celui-ci laissait faire, non seulement parce que Djem rapportait beaucoup d’argent au Vatican, mais aussi parce qu’il paraissait être le seul à pouvoir faire sourire Juan, toujours si revêche. César, de son côté, avait vite cessé de les fréquenter.
    La veille du mariage, Juan invita Giovanni Sforza à l’accompagner en ville pour rendre visite, avec Djem, à quelques courtisanes connues. Giovanni accepta aussitôt. Il parut fort bien s’entendre avec le prince turc, avec qui il bavarda gaiement pendant que tous trois faisaient bombance. Le trio ne passa pas inaperçu, mais les citoyens de Rome prirent soin de rester à distance.
    Il en alla tout autrement chez les courtisanes, où Juan était fort connu : elles pariaient souvent à qui l’entraînerait la première dans son lit. Certaines rumeurs voulaient qu’il fût l’amant de Djem, mais elles ne s’en souciaient guère : elles gagnaient leur pain en satisfaisant des personnages de haut rang, et Juan se montrait toujours fort généreux.
    Avalona, une jeune fille de quinze ans aux longs cheveux bruns, était l’une de ses préférées. Fille d’aubergiste, elle avait une réelle affection pour lui. Mais ce soir-là, quand les trois hommes survinrent, Juan l’offrit d’abord à Giovanni, puis à Djem. Tous se rendirent à l’étage, où Juan assista aux ébats, mais il était trop ivre pour songer à ce que la jeune fille pouvait bien penser. Quand ce fut son tour, elle se détourna et refusa de l’embrasser. Toujours prompt à prendre la mouche, Juan fut furieux à l’idée qu’elle lui avait préféré son beau-frère, et la gifla : sur quoi elle refusa de lui adresser la parole. Il bouda tout au long de leur retour au palais ; mais les deux autres, qui s’étaient donné du bon temps, s’en rendirent à peine compte.
    Le jour du mariage arriva. Lucrèce avait l’air d’une reine dans sa robe de velours rouge ornée de fourrure, sa chevelure blonde était semée de fils d’or ornés de diamants et de rubis. Julia Farnèse avait revêtu une tunique de satin rose qui mettait en valeur la pâleur de son teint. Celle d’Adriana était bleu sombre, et sans ornements, pour ne pas faire concurrence à la mariée. Giovanni, Juan et Djem portaient des atours encore plus somptueux – turbans de satin crème, étoles de brocart d’or – qui éclipsaient non seulement ceux de Lucrèce, mais aussi ceux du pape lui-même.
    Alexandre avait chargé Juan d’accompagner sa sœur à l’autel, et Lucrèce savait que César en était furieux. Mieux valait qu’il reste à distance, car elle savait que jamais il n’accepterait de la céder de bon gré. Elle se demanda même s’il assisterait à la cérémonie ; mais leur père, il est vrai, ne lui laisserait guère le choix. César

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