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Le sang des Borgia

Le sang des Borgia

Titel: Le sang des Borgia Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Mario Puzo
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réunie sur la place, qu’elle puisse, elle aussi, prendre part aux réjouissances.
    C’est bien après minuit que Lucrèce eut enfin l’occasion de discuter avec son père. Il était à son bureau, seul ; presque tous les invités étaient partis, seuls ses frères et quelques cardinaux attendaient dans l’antichambre.
    Elle s’approcha, hésitante, ne voulant pas l’offenser. Mais la question était trop importante pour qu’elle pût attendre. S’agenouillant, elle baissa la tête en attendant qu’il l’autorise à parler.
    — Père, finit-elle par dire d’une voix à peine audible, dois-je vraiment rejoindre Giovanni dans la chambre nuptiale cette nuit même ? Dois-tu vraiment honorer le contrat si vite ?
    Alexandre leva les yeux au ciel. Lui aussi y avait longuement pensé – plus, sans doute, qu’il ne l’aurait voulu.
    — Si ce n’est pas maintenant, quand ? Mieux vaut en terminer aussi vite que possible, dit-il en souriant à sa fille. Ensuite, tu pourras reprendre ta vie, sans que l’épée ne soit suspendue au-dessus de ta tête.
    Elle soupira :
    — Faut-il que César soit là aussi ?
    — Quelle importance ? Ma présence suffira. Pour que le contrat soit valide, il suffit de trois témoins.
    — Je préfère qu’il n’en soit pas.
    — Si tel est ton vœu, il en sera ainsi.
    Les mariés se rendirent sans grand enthousiasme dans la chambre nuptiale ; Giovanni parce qu’il était un peu ivre, et que sa première femme lui manquait toujours ; Lucrèce parce qu’elle était gênée à l’idée d’être observée, et surtout parce qu’il lui fallait permettre à un autre que César de la toucher. Mais elle se sentait à ce point prise de vertiges, que rien ne semblait plus avoir d’importance. Son frère avait disparu. Elle but en hâte trois gobelets de vin pour rassembler le courage dont elle aurait besoin.
    Les deux époux se dévêtirent avec l’aide de leurs serviteurs, puis se glissèrent dans les draps de satin blanc, en prenant soin de ne pas se toucher avant l’arrivée des témoins.
    Quand le pape entra, il s’assit dans un fauteuil de velours rouge, face à une tapisserie évoquant les Croisades, qu’il pourrait contempler tout en priant, les doigts posés sur les perles de son rosaire. Les deux autres témoins étaient le cardinal Ascanio Sforza, et le frère de Julia, nommé cardinal par le pape, mais que les mauvaises langues appelaient « le monsignore en jupons ».
    Giovanni ne dit mot ; se rapprochant, il saisit Lucrèce par l’épaule pour l’attirer vers lui. Il tenta de l’embrasser, mais elle détourna la tête. Il avait une odeur de bœuf. Quand il se mit à la caresser, elle eut l’impression que tout son corps se révulsait. L’espace d’un instant, elle craignit de vomir, et espéra que quelqu’un avait pensé à placer un pot de chambre à côté du lit. Envahie par une tristesse sans fin, Lucrèce crut bien qu’elle allait pleurer. Mais, quand il grimpa sur elle, elle ne ressentait plus rien. Fermant les yeux, elle se renferma en elle-même et songea au Lac d’Argent, le seul endroit où elle s’était sentie libre, où elle avait couru dans les roseaux, roulé dans l’herbe douce…
    Le lendemain matin, quand Lucrèce se précipita pour rattraper César, qui sortait du Vatican pour se rendre aux écuries, elle vit aussitôt qu’il était furieux. Elle tenta en vain de le réconforter : il n’écoutait pas. La jeune fille resta donc silencieuse et le regarda monter à cheval, puis s’éloigner.
    Il ne revint que deux jours plus tard, pour lui dire qu’il avait passé tout ce temps à la campagne, à réfléchir à leur avenir. Il ajouta qu’il lui pardonnait, ce dont elle fut furieuse :
    — Pardonner quoi ? J’ai fait ce que je devais, comme toi ! Tu te plains toujours d’être cardinal, mais je préférerais en être un, plutôt qu’une femme !
    — Nous devons être ce que veut le Saint-Père ! Je préférerais être soldat ! Aucun de nous deux n’a ce qu’il voudrait !
    César se rendait bien compte que la plus grande bataille qu’il aurait à livrer serait contre lui-même. L’amour peut triompher de la volonté, sans autres armes que ses attraits. César adorait son père, il avait étudié sa stratégie depuis assez longtemps pour savoir ce dont il était capable ; et jamais lui-même ne consentirait à s’abaisser à de telles méthodes. Dépouiller quelqu’un de ses biens, de ses richesses, voire de sa

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