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Le sang des Borgia

Le sang des Borgia

Titel: Le sang des Borgia Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Mario Puzo
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vie, était un crime bien moins grave que de le priver de sa volonté. On n’est plus qu’un pantin, une bête de somme obéissant au fouet. Il s’était juré que cela ne lui arriverait pas.
    Il comprenait bien pourquoi son père lui avait demandé de faire l’amour à Lucrèce ; mais il se jugeait aussi digne de l’aimer, au point de se duper lui-même et de croire qu’il l’avait délibérément voulu. Et Lucrèce aimait avec un tel cœur qu’elle aurait pu charmer la plus féroce des bêtes sauvages ; sans s’en rendre compte, elle était devenue le fouet d’Alexandre.
    Lucrèce se mit à pleurer ; César la serra contre lui et tenta de la consoler :
    — Tout ira bien, murmura-t-il en caressant ses boucles blondes. Ne t’inquiète pas de ce faisan de Sforza. En dépit de tout, nous serons toujours l’un à l’autre.

6
    Ludovico Sforza le More était le véritable maître de Milan, bien qu’officiellement il ne fût que régent ; mais son neveu était trop falot pour lui tenir tête.
    En dépit de son sobriquet, Ludovico était un homme de grande taille, d’une vive élégance, avec cette beauté blonde typique des Italiens du Nord ; il était intelligent, ouvert aux choses de l’esprit. Sans doute était-il moins sensible à la religion qu’aux mythes d’autrefois. Confiant et sûr de lui quand les choses allaient bien, il perdait de son assurance dans l’adversité. Ses sujets le respectaient et, s’il se montrait parfois peu scrupuleux, voire d’une grande duplicité, c’était un gouvernant empli de compassion, au point d’imposer aux citoyens les plus riches un impôt destiné à financer des foyers et des hôpitaux pour les pauvres.
    Milan était l’un des grands foyers de l’humanisme ; le More et son épouse, Béatrice d’Este, avaient beaucoup fait en ce domaine, rénovant et décorant leurs châteaux, faisant repeindre les mornes maisons de la ville aux vives couleurs de l’art nouveau, ou nettoyer les rues pour faire disparaître la puanteur qui obligeait la noblesse à porter des gants parfumés, voire à tenir en permanence une demi-orange sous le nez. De surcroît, conscient de la valeur de l’éducation, le More dépensait sans compter pour attirer les meilleurs maîtres dans ses universités.
    Belle et ambitieuse, Béatrice l’avait, bien des années auparavant, encouragé à s’emparer du pouvoir aux dépens de son neveu Gian. Lui ayant donné un fils, elle redoutait en effet qu’il n’eût aucun droit légal sur leur royaume.
    Treize ans durant, le More avait donc régné sans que son neveu s’y opposât ; Milan était devenue une ville d’art et de culture. Mais ensuite, Gian épousa une jeune femme au vif tempérament, Avia, petite-fille du redoutable roi Ferrante de Naples.
    Ayant donné deux fils à son mari – elle jurait qu’à cause du More, ils seraient contraints de vivre en roturiers –, elle se plaignit auprès de lui. Mais le duc était parfaitement heureux de laisser son oncle régner sur Milan. N’ayant pas le choix, la jeune femme écrivit lettre sur lettre à son grand-père. Ferrante finit par s’inquiéter : après tout, il ne pouvait tolérer cette insulte faite à sa petite-fille. Il était donc bien résolu à la venger et à lui redonner la place qu’elle occupait de droit.
    Informé par ses conseillers, qui redoutaient la férocité du roi de Naples, le More réfléchit longuement. Il lui serait impossible de défendre Milan face à l’armée napolitaine, dont la puissance militaire était légendaire.
    Il apprit alors – véritable don du ciel ! – que le roi de France Charles VIII préparait une invasion de l’Italie pour faire valoir ses droits à la couronne de Naples. Sans perdre de temps, le More proposa aussitôt au souverain français de l’accueillir, lui et ses troupes, sur le chemin qui les mènerait à Naples.
    Au Vatican, Alexandre VI se livrait aux mêmes calculs. L’arrivée des Français changeait tout, même si le More témoignait en ce domaine d’une incroyable myopie politique. Ce matin-là, le pape avait convoqué César très tôt pour discuter de la question avec lui, quand Duarte Brandao vint les informer d’une menace supplémentaire :
    — J’apprends que le roi Ferrante a envoyé à son cousin, le roi d’Espagne, un message dans lequel il s’inquiète de votre alliance avec le More, et de la position du Vatican face au danger d’invasion française.
    César hocha la tête d’un air

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