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Le sang des Borgia

Le sang des Borgia

Titel: Le sang des Borgia Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Mario Puzo
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l’ivresse se dissipant, il se sentit seul et agité.
    Lucrèce était plus belle que jamais. Sa robe rouge sombre, brodée de velours noir, ornée de bijoux et de perles, lui donnait l’air d’une reine. C’était une femme, et non plus une enfant ; depuis la fin de son premier mariage, elle avait pris le contrôle de sa vie, eu un fils, fréquenté sans malaise la bonne société. Un tel changement était demeuré à peu près invisible à César. En grande tenue de cardinal, il avait béni les époux avant de leur souhaiter beaucoup de bonheur, mais il sentait monter en lui une fureur croissante.
    Au cours de la cérémonie, Lucrèce avait à plusieurs reprises croisé le regard de son frère, souriant pour le rassurer. Plus tard, cependant, à mesure que la soirée s’écoulait, elle était devenue de moins en moins accessible et, toujours aussi gaie et souriante, songeait trop à bavarder avec Alfonso pour remarquer César. Quittant la salle pour honorer son contrat de mariage, elle n’avait même pas pensé à lui dire bonsoir.
    Il se dit qu’avec le temps il oublierait tout cela, qu’il cesserait de songer à elle après avoir renoncé à son chapeau de cardinal, qu’il entamerait une vie nouvelle, aurait femme et enfants et livrerait de grandes batailles, comme il l’avait toujours rêvé.
    Il réussit même à se convaincre que le mariage avec Alfonso n’était qu’une ruse de son père pour allier Rome et Naples, de sorte que lui-même puisse épouser une princesse napolitaine – sans doute Isabella, la fille du roi, très jolie et d’humeur facile. Une fois installé à Naples, pourvu de titres et de biens, il ferait la guerre aux barons locaux, pour la papauté et la famille Borgia.
    Il tenta de s’endormir en se grisant de visions grandioses, mais ne cessa de se réveiller, songeant toujours à sa sœur.

16
    Interrogateur du Conseil des Dix de la République florentine, Francisco Saluti savait que soumettre Girolamo Savonarole à la question serait la tâche la plus importante de sa carrière.
    Que l’accusé soit ecclésiastique, et homme d’importance, ne le détournerait pas de son devoir. Certes, il avait souvent écouté ses sermons, il en avait été touché. Mais Savonarole avait attaqué le pape, menacé la classe dirigeante de Florence, conspiré avec ses ennemis. Il devrait donc être jugé pour trahison, et la vérité lui serait arrachée du corps.
    Dans la pièce gardée par des soldats, Saluti donna ses instructions. Le chevalet était prêt, l’artisan en avait vérifié le mécanisme, les roues, les poulies, les poids. Tout était en ordre. Un petit fourneau déjà porté au rouge, dans l’ouverture duquel on avait disposé des tenailles, chauffait si fort que Saluti était en nage. Mais cette journée lui vaudrait un confortable salaire.
    Il avait la fierté de l’homme de métier, sans pour autant prendre plaisir à son travail. Ses fonctions demeuraient secrètes, pour sa propre sécurité : Florence était peuplée de rancuniers. Il était toujours armé en sortant ou en rentrant chez lui, et sa demeure était entourée de celles de sa parentèle, qui viendrait à son secours s’il était attaqué.
    Ses fonctions lui rapportaient assez : soixante florins par an, soit deux fois ce que gagnait le caissier d’une banque florentine – sans compter vingt florins pour chaque interrogatoire que lui confiait le Conseil.
    Saluti était vêtu d’un justaucorps et d’une tunique d’un bleu sombre, presque noir, qu’on ne fabriquait qu’à Florence. Cette couleur était le signe de son office. En dépit de ses insomnies et de ses ulcères d’estomac, il demeurait un homme à la fois gai et réfléchi, à qui il arrivait de suivre à l’université des conférences sur Platon, ou de se rendre dans les ateliers d’artistes pour voir leurs peintures et leurs sculptures. Il avait même été invité une fois dans les superbes jardins de Laurent le Magnifique : le plus beau jour de sa vie.
    Il ne se réjouissait pas des souffrances de ses victimes ; qu’on puisse l’en accuser le scandalisait. Pour autant, il n’avait aucun problème de conscience. Après tout, le pape Innocent VIII avait promulgué une bulle justifiant l’emploi de la torture dans la lutte contre l’hérésie. Certes, les hurlements des suppliciés étaient horribles à entendre, et ses nuits étaient longues ; mais il prenait toujours soin, avant de se coucher, de boire une pleine bouteille de

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