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Le sang des Borgia

Le sang des Borgia

Titel: Le sang des Borgia Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Mario Puzo
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chevalet.
    Envahi de tristesse – non à la vue de ce pécheur, mais devant l’étendue du mal dans le monde –, il se leva et serra Plandini dans ses bras :
    — La Vierge m’a parlé. Je te pardonne. Tu ne mourras pas. Mais il te faudra quitter Rome et ta famille pour passer le reste de tes jours dans un lointain monastère, où tu consacreras ta vie à Dieu pour mériter son pardon.
    Il aida l’homme à se rasseoir dans son fauteuil et fit signe aux gardes de l’emmener. Tout était bien : son pardon resterait secret, les autres seraient pendus, Dieu et l’Église servis au mieux.
    Le pape ressentit brusquement une joie qu’il éprouvait rarement – même avec ses enfants, ses maîtresses, ou lorsqu’il recueillait les dons en vue de la croisade. C’était l’effet d’une croyance au Christ si pure, si éloignée de toute pompe, de toute volonté de pouvoir, qu’elle semblait être toute lumière. Ce sentiment se dissipa peu à peu, tandis qu’Alexandre se demandait si César pourrait jamais connaître une telle extase.
    Le visiteur suivant serait une tout autre affaire : il lui faudrait se concentrer, et ne jamais céder d’un pouce. Un rude maquignonnage s’annonçait, lors duquel il ne devrait trahir aucune faiblesse. Le client n’inspirait aucune pitié. Le pape remit sa mitre.
    — Dois-je attendre dans le vestibule ? demanda César. Son père lui fit signe que non.
    — Cela devrait t’intéresser !
    Alexandre choisit de changer de lieu d’audience. La salle des martyrs conviendrait parfaitement à cet entretien. Elle s’ornait de portraits de papes guerriers, triomphant des ennemis de l’Église à grand renfort d’eau bénite et de coups d’épée, de saints décapités par les Infidèles, de Christs portant leur couronne d’épines…
    Son visiteur était le chef des Rosamundi, une puissante famille vénitienne. Il possédait cent navires qui commerçaient dans le monde entier, quoique l’étendue de sa fortune demeurât un secret bien gardé, comme toujours à Venise.
    Baldo Rosamundi était septuagénaire. Si, par respect, il n’était vêtu que de noir et de blanc, sa tenue s’ornait de pierres précieuses. Il avait le visage grave d’un homme qui s’apprête à négocier durement, comme l’un et l’autre l’avaient déjà fait du temps où Alexandre était cardinal.
    — Ainsi, tu penses que ta petite-fille devrait être canonisée ? demanda-t-il gaiement.
    — Saint-Père, ce serait présomptueux de ma part. C’est le peuple de Venise qui le réclame. L’Église a enquêté et consenti à ce que l’affaire soit examinée. J’ai cru comprendre qu’il ne tenait qu’à vous de donner votre approbation définitive.
    Le pape avait été informé par cet évêque qu’on appelait le Protecteur de la Foi, dont le rôle était d’enquêter sur les demandes de ce genre. Celle-ci n’avait rien d’extraordinaire. Doria Rosamundi avait mené une vie sans reproche, marquée par la pauvreté, la chasteté et les bonnes œuvres, à quoi venaient s’ajouter deux ou trois miracles un peu douteux. Il y avait chaque année des centaines de cas similaires. Alexandre n’aimait guère ce genre de saints : il préférait ceux qui étaient morts en martyrs de l’Église.
    Le dossier montrait que Doria, méprisant les richesses de ce monde, avait voulu s’occuper des pauvres. Mais il n’y en avait pas assez à Venise : c’était une fantaisie qu’on ne permettait guère. Elle avait donc voyagé très loin, se rendant jusqu’en Sicile pour recueillir des orphelins. Elle s’était même occupée sans crainte des victimes de la peste, toujours endémique dans ces régions, et avait fini par y succomber à l’âge de vingt-cinq ans. Sa famille avait demandé l’ouverture d’un procès en canonisation moins de dix ans après sa mort.
    Les prières prononcées sur sa tombe avaient permis de guérir certaines maladies mortelles. Pendant les tempêtes, les marins voyaient son visage planer au-dessus de leurs navires. Tous ces événements avaient fait l’objet d’une enquête minutieuse, sans qu’aucun puisse être démenti. Bien entendu, la grande richesse des Rosamundi ne pouvait qu’arranger les choses et accélérer le rythme des investigations.
    — Ce que tu demandes est grave, dit Alexandre, et ma responsabilité l’est plus encore. Une fois ta petite-fille canonisée, elle pourra s’asseoir aux côtés de Dieu, et donc intercéder en faveur de ceux qui lui sont

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