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Le sang des Borgia

Le sang des Borgia

Titel: Le sang des Borgia Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Mario Puzo
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vin.
    Ce qui le préoccupait vraiment, c’était l’incroyable obstination de ses victimes. Pourquoi refusaient-elles donc d’admettre leur culpabilité ? Pourquoi tenaient-elles à souffrir – et à faire souffrir les autres ? Il était vraiment dommage que Francisco Saluti dût être l’instrument de leurs douleurs. Mais n’était-il pas vrai, comme l’avait dit Platon, qu’il y avait dans la vie de chacun, fût-il animé des meilleures intentions, des personnes qu’il faisait souffrir ?
    De surcroît, la légalité de la procédure ne faisait aucun doute. Aucun citoyen de Florence ne pouvait être soumis à la torture si sa culpabilité n’était pas établie. Les officiels de la Signoria avaient contresigné les documents. Saluti les avait relus plus d’une fois. Le pape avait donné son approbation et envoyé des dignitaires de l’Église qui seraient autant d’observateurs officiels. La rumeur voulait même que le cardinal Borgia soit venu secrètement à Florence pour suivre les événements, ce qui voulait dire que le prieur dominicain n’avait aucune chance. Saluti pria en silence pour qu’il quitte cette terre le plus tôt possible.
    Puis, se sentant serein d’esprit et de corps, il attendit à l’entrée de la chambre de tortures qu’on lui livre celui qu’on avait appelé le « Marteau de Dieu », Fra Girolamo Savonarole. Le célèbre orateur fut enfin traîné dans la pièce. Manifestement, il avait été roué de coups, ce dont Saluti s’offusqua : c’était vraiment insulter sa compétence professionnelle.
    Ses assistants et lui attachèrent Savonarole sur le chevalet. L’homme de l’art tint à faire tourner lui-même les roues de fer actionnant les engrenages qui à leur tour étiraient lentement les membres de la victime. Le tout sans dire un mot, pas plus d’ailleurs que le frère prêcheur. Saluti en fut ravi. Pour lui, cette pièce se devait d’être une sorte d’église, un lieu pour le silence, la prière et la confession.
    Il entendit bientôt un craquement sourd qui lui était familier : les avant-bras de Savonarole venaient de se briser au niveau des coudes. Le cardinal de Florence, qui assistait à l’opération, blêmit.
    — Girolamo Savonarole, demanda Saluti, confesseras-tu que ton message était celui d’un hérétique voulant défier Dieu ?
    Le visage du supplicié était d’une blancheur de cire, ses yeux exorbités se levaient vers le ciel, comme ceux des martyrs peints sur les fresques. Mais il ne répondit rien.
    Le cardinal eut un signe de tête à l’adresse de Saluti, qui tourna encore un peu la roue. Au bout d’un instant, il y eut un cri de bête prise au piège, tandis que retentissait un grand craquement : les os et les muscles venaient d’être arrachés des épaules.
    — Girolamo Savonarole, répéta Saluti, confesseras-tu que ton message était celui d’un hérétique voulant offenser Dieu ?
    — Je le confesse, chuchota le frère d’une voix à peine audible.
    Et ce fut tout. Savonarole ayant reconnu les faits, la fin ne faisait plus de doute. Les Florentins ne protestèrent pas. Ils l’avaient adoré autrefois ; ils furent heureux d’être débarrassés de lui. Quelques jours plus tard, le Marteau de Dieu fut pendu, son corps disloqué s’agita au bout de la corde jusqu’à ce qu’il soit mort. Ensuite, il fut brûlé sur la place devant l’église San Marco, sur les lieux mêmes où il avait plus d’une fois prononcé des prêches enflammés qui avaient bien failli venir à bout du pape.
    Alexandre songeait souvent à la marche du monde, aux duplicités des nations, aux vilenies des grandes familles, aux noirceurs sataniques dans le cœur de chacun. Pour autant, il ne désespérait pas. Vicaire du Christ sur la terre, sa foi était sans limites et il n’avait pas à s’interroger sur les voies de Dieu – lequel était miséricordieux et pardonnait à tous les pécheurs. Le pape ne doutait nullement que le Créateur voulût le bien et le bonheur de l’Homme en ce monde.
    Mais Alexandre avait des devoirs. Il lui fallait par-dessus tout rendre l’Église plus forte, qu’elle puisse répandre la parole du Christ partout dans le monde – et, plus important encore, au cours des siècles à venir. Il n’y aurait pas de plus grande calamité pour les hommes que de voir la voix du Sauveur réduite au silence.
    César pourrait lui être utile en ce domaine. N’étant plus cardinal, il pourrait contribuer à renforcer

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