Le sang des Borgia
fer, parfaitement dépourvue de scrupules.
Elle se remaria, et de nouveau son époux fut assassiné. Là encore sa vengeance fut sans pitié : les assassins furent écartelés, leurs corps réduits en pièces.
Trois ans plus tard, elle épousa Giovanni de Médicis, dont elle eut un fils nommé Bando Neri ; c’était son préféré. Son mari lui plaisait fort, elle aimait jusqu’à sa laideur : la nuit, dans leur chambre, cela n’avait plus d’importance, et Gio était l’homme le plus viril qu’elle ait rencontré. L’année précédente, toutefois, elle était devenue veuve, à trente-six ans. Elle n’avait rien perdu de sa réputation de férocité, au point qu’on l’appelait « la Louve ».
Caterina méprisait les Borgia, qui l’avaient abandonnée après l’assassinat de Riario, et n’entendait nullement leur céder un territoire qu’elle gouvernait avec son fils Otto. Quelques mois auparavant, elle avait reçu une bulle papale lui réclamant les arriérés des dîmes dues à l’Église et l’accusant de s’en être emparée. Voyant où Alexandre voulait en venir, elle avait fait parvenir la somme requise à Rome, par courrier spécial. Mais le pape était toujours aussi décidé à la dépouiller de son fief. Elle se prépara donc à la guerre.
Des mouchards bien payés lui firent savoir que César rassemblait une armée pour conquérir ses terres. Elle fit donc parvenir un petit cadeau au pape : un fragment du linceul d’un homme mort de la peste, dissimulé dans une canne creuse. Peut-être Alexandre serait-il atteint de la maladie, et ne songerait plus à ses projets de conquête Mais les informateurs de Caterina furent identifiés et, torturés, révélèrent tout du complot avant d’être exécutés. Et le pape échappa à la mort.
César comptait d’abord prendre Imola, puis Forli.
Quand l’armée pontificale arriva près de la première, il fit avancer l’artillerie, tandis que la cavalerie légère et l’infanterie servaient de protection. Puis il s’avança à cheval, entouré d’un bataillon d’hommes en armes.
De tels préparatifs se révélèrent toutefois inutiles ; à peine s’était-il avancé que les portes de la ville s’ouvrirent, et qu’un groupe de citoyens courut vers lui. Soucieux d’éviter que leur cité soit mise à sac et pillée, ils offrirent leur reddition.
Caterina Sforza n’était pas très aimée, vu sa cruauté et sa férocité ; ses sujets n’avaient rien à gagner à se battre pour elle. Le jour même de l’entrée dans Imola, deux lanciers français découvrirent un charpentier à qui elle avait porté tort et qui désirait se venger. Il demanda à voir César, à qui il indiqua les points faibles de la forteresse.
Mais celle-ci était commandée par Dion Naldi, qui lança du haut des remparts :
— Nous nous battrons !
César se prépara donc à un siège.
Vito Vitelli fit placer ses canons le plus près possible des murailles du château, qu’il se mit à bombarder de manière continue. Dion Naldi, comprenant le danger, réclama une trêve et fit savoir qu’il se rendrait s’il n’avait pas reçu de secours d’ici trois jours.
Sachant que des négociations permettraient d’épargner des vies humaines, et beaucoup d’argent, César installa son camp et attendit.
Personne ne vint en aide aux assiégés. Naldi était un guerrier de valeur, issu d’une famille célèbre pour ses talents militaires ; il aurait combattu jusqu’à la mort s’il s’était senti tenu d’être fidèle à Caterina ; mais celle-ci n’avait pas daigné lui porter secours, et détenait sa femme et ses enfants en otage à Forli. Il se rendit donc, à la condition que lui et ses hommes puissent se joindre à l’armée papale.
César Borgia avait donc atteint son premier objectif, et ce sans perdre un homme… ni affronter Caterina Sforza.
Mais Forli était la principale forteresse de la Louve, et il serait bien contraint d’engager la bataille. Il était plus jeune qu’elle, il avait moins d’expérience ; aussi s’approcha-t-il de la ville avec prudence. Là encore, pourtant, les portes de la cité s’ouvrirent en grand, une véritable foule se précipita vers lui pour se rendre.
Du haut des remparts, Caterina contempla la scène : elle était en armure, l’épée en main, un faucon au poing. Ses archers étaient prêts à tirer.
Voir ses sujets accueillir César en libérateur la remplit de fureur ; elle cria à ses soldats
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