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Le sang des Borgia

Le sang des Borgia

Titel: Le sang des Borgia Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Mario Puzo
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Car je peux te faire exécuter pour hérésie, ce qui retardera d’autant tes retrouvailles avec ton époux.
    Sancia serra les mâchoires, furieuse :
    — Je ferai un scandale, et vous pourrez me brûler si vous voulez ! Mais cela ne m’empêchera pas de dire la vérité ! Car Rome est l’empire du mensonge !
    Alexandre se leva avec lenteur : il avait l’air si imposant qu’elle recula instinctivement. Mais elle se reprit aussitôt et tint bon. Elle refusa même de baisser les yeux, ce dont il fut exaspéré. Si son fils ne pouvait la dompter, il s’en chargerait :
    — Tu partiras pour Naples dès demain. Et tu te chargeras d’un message pour le roi : s’il ne veut rien qui vienne de moi, je ne veux rien qui vienne de lui.
    Sancia n’aurait droit qu’à une escorte réduite, et à très peu d’argent. Avant son départ, elle dit à Geoffroi :
    — Ton père a plus d’ennemis que tu ne crois ; un jour, cela finira très mal. J’espère simplement être là pour y assister !
    Le roi Louis, vêtu de brocart semé d’abeilles d’or, entra à cheval dans Milan en compagnie de César. Avec eux, les cardinaux Della Rovere et d’Amboise, le duc de Ferrare, Ercole d’Este, ainsi qu’une armée d’occupation de quarante mille hommes.
    Ludovico Sforza, le More, s’était ruiné à engager des mercenaires étrangers, mais ils ne furent pas de taille face aux soldats aguerris des troupes françaises. Sachant sa défaite toute proche, il avait envoyé en Allemagne ses deux fils et son frère le cardinal, pour qu’ils soient sous la protection de l’empereur Maximilien, son beau-frère.
    Le roi de France fut donc proclamé duc de Milan à l’issue d’une victoire facile. Il saurait se montrer reconnaissant au pape et à César pour leur aide.
    Inspectant la ville, le souverain visita d’abord le château des Sforza. Puis il chercha les coffres de chêne dont Léonard de Vinci avait conçu les serrures : la rumeur les disait remplis d’or et de joyaux. Mais ils étaient vides. Le Maure s’était emparé des bijoux, et de plus de deux cent quarante mille ducats, avant de prendre la fuite. Il restait toutefois suffisamment de richesses à Milan pour que Louis XII en soit impressionné : de la Cène de Léonard au monastère de Santa Maria, aux écuries des Sforza, qui s’ornaient de portraits de leurs plus beaux chevaux.
    Toutefois, il ne se formalisa nullement que ses archers prennent pour cible une superbe statue d’argile de Léonard, représentant un cheval, qu’ils détruisirent entièrement. Les Français passaient pour des barbares aux yeux des Milanais : ils crachaient par terre, y compris dans les salles du château, et répandaient leurs ordures dans les rues.
    L’invasion aurait pu s’arrêter là si les territoires de Romagne avaient été unis, mais ce n’était pas le cas. Alexandre comprit que c’était le moment d’affirmer ses droits : après tout, ils faisaient partie des États pontificaux, et c’était uniquement parce qu’il avait été trop indulgent avec les barons locaux que ceux-ci en étaient les maîtres depuis si longtemps.
    César n’avait plus qu’à les vaincre pour réunifier les États pontificaux, puis l’Italie, ce qui couvrirait de gloire et de richesses Rome et sa famille.
    À Nepi, Lucrèce voulut se consacrer entièrement à ses devoirs de gouvernante. Elle fit édicter des lois, créa un guet chargé de les faire respecter et de maintenir l’ordre dans les rues. Comme son père à Rome chaque jeudi, elle invitait dans son château les citoyens de la ville pour écouter leurs doléances, puis tentait de son mieux d’y remédier. Ils eurent beaucoup d’affection pour elle, car la jeune femme semblait vraiment avoir le don de gouverner.
    Durant toute cette période, Geoffroi et elle furent un véritable réconfort l’un pour l’autre. Il souffrait de l’absence de Sancia, bien qu’elle fût parfois un peu difficile ; et il passait le plus clair de son temps à chasser et à chevaucher dans la campagne environnante.
    Un mois après l’arrivée de Lucrèce à Nepi, le pape réussit à convaincre Alfonso de venir la rejoindre et, pour ne pas faire les choses à moitié, fit don au jeune couple de Nepi du château et des terres entourant la ville. Les deux époux étaient à ce point ravis d’être enfin réunis qu’ils ne songèrent pas à demander ce qu’Alexandre voulait en échange.
    Il se passa plusieurs semaines avant qu’il ne vienne leur

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