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Le sang des Borgia

Le sang des Borgia

Titel: Le sang des Borgia Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Mario Puzo
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le viol a ses plaisirs, dit-il.
    Elle rit et rétorqua d’un ton espiègle :
    — Tu crois m’avoir violée ? Tu te trompes, bâtard, fils de bâtard ! Dès que je t’ai vu du haut des remparts, j’ai décidé soit de te tuer soit de te violer. Si je t’avais capturé, moi aussi je t’aurais attaché ! Et je t’aurais chevauché ! Cela revient donc au même.
    Caterina avait de réels dons de stratège : en affirmant qu’en réalité il ne faisait que lui obéir, elle retournait la situation et le désarmait. César s’était cru vainqueur : il comprit qu’en fait il était vaincu.
    Le jour où ils devaient repartir pour Rome, elle lui demanda :
    — Tu vas me promener enchaînée dans les rues, pour que la populace puisse m’insulter, comme on le faisait dans l’ancienne Rome ?
    Il éclata de rire. Caterina paraissait très belle, ce jour-là, pour quelqu’un qui vient de passer un mois dans un donjon.
    — Je n’y avais pas réfléchi. Mais maintenant que tu m’en parles…
    — Tu vas me faire brûler vive parce que j’ai tenté d’assassiner le pape ? Mes espions étaient de tels sots !
    — On a souvent menacé sa vie ; il s’en offusque rarement, les tentatives ayant toujours échoué. Mais, s’il veut te pendre ou te brûler pour hérésie, je lui dirai que je t’ai suffisamment punie chaque nuit depuis ta capture.
    — Et il te croira ?
    — Pour lui, ce sera un viol, châtiment qu’il juge pire que la mort ; l’âme elle-même en est souillée. Et il aime les femmes beaucoup plus que moi.
    — Mais il faut croire à l’âme pour cela, dit-elle en souriant.
    — Il y croit ! En attendant, et puisque après tout tu es une Sforza, j’ai pris des arrangements pour que tu sois détenue au Belvédère – sans chaînes. Ce château m’appartient, il a de beaux jardins, on y a une vue superbe de la ville. Tu y seras traitée en hôte d’honneur. Sous bonne garde, évidemment.

21
    César entra dans Rome en héros conquérant : le grandiose défilé célébrant sa victoire fut le plus spectaculaire qu’on ait jamais vu. Ses hommes d’armes, ses cavaliers, ses piquiers suisses étaient en noir, comme les chariots de son train de bagage. Il chevauchait à la tête de son armée, en compagnie de quatre cardinaux dont les soutanes pourpres formaient avec lui un contraste parfait. Le taureau des Borgia lui-même était représenté en rouge sur un fond de laque noire – et non blanche comme à l’accoutumée. En armure noire, monté sur un cheval noir, il avait vraiment l’air d’un prince des ténèbres.
    Le défilé avança non sans peine à travers les foules amassées le long des rues menant au Vatican. C’est là que César, s’agenouillant pour baiser l’anneau du pape, le salua en espagnol avant de lui présenter les clés des villes et des châteaux dont il s’était emparé. Puis il se retira dans ses appartements.
    Il avait énormément changé depuis son départ à la guerre. Les Français s’étaient moqués de lui en le prenant pour un niais ; Rosetta était restée insensible à son charme ; sa nouvelle épouse n’avait pu lui faire oublier le souvenir de sa sœur. Tout cela l’avait convaincu de dissimuler ses sentiments. Il cessa de sourire, ses yeux ne trahissaient jamais la fureur qu’il éprouvait souvent.
    Mais son visage ! Il avait récemment souffert de la vérole, une fois de plus ; la maladie avait creusé des trous dans ses joues, son nez, son front, laissant derrière elle de petites cicatrices rondes qui refusaient de disparaître. Peu importait sur le champ de bataille, mais en ville, ou lors d’un défilé, ou au lit avec une courtisane, c’était une vraie malédiction. À vingt-cinq ans, César avait l’habitude d’être loué et admiré pour sa beauté, et ne savait plus que faire. Il alla jusqu’à tendre de noir tous les miroirs de ses appartements, en défendant à ses serviteurs de les découvrir.
    Ses terreurs nocturnes lui revinrent, aussi résolut-il de dormir le jour et de travailler la nuit, ou de passer des heures à chevaucher dans les campagnes environnantes.
    Il était impatient de revoir Lucrèce – il était parti si longtemps, et n’avait pensé qu’à elle… Près de deux ans s’étaient écoulés depuis leurs dernières retrouvailles ; il se demanda si elle avait changé. Comment réagirait-il à sa présence, maintenant qu’il était marié ? Il espérait qu’elle se serait lassée de son époux –

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