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Le sang des Dalton

Le sang des Dalton

Titel: Le sang des Dalton Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Ron Hansen
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aux reflets violets. Le papier peint insistait pour que les roses éclosent d’autres roses et le lustre en verre au-dessus de nous dégouttait de cire de bougie blanche. J’ai joué les vieux seigneurs enjoués avec ces dames à ma droite et à ma gauche, qui, si elles me souriaient en retour, ne levaient que rarement les yeux vers leur engageant vis-à-vis, et lorsque les babillages se sont éteints pour céder la place à un blanc de cinq minutes meublé de cliquetis de couteaux et de fourchettes, Eugenia a entrepris de le combler à l’aide de confidences sur son passé.
    « J’ai été expulsée de Holden College, dans le Missouri, pour dépravation, nous a-t-elle avoué. J’ai été surprise in flagrante delicto…
    — Qu’est-ce que ça veut dire ? suis-je intervenu.
    — C’est du latin, a-t-elle expliqué. Ça signifie “en flagrant délit”. J’étais avec un professeur de géographie célibataire qui avait une grande barbe pareille à un bavoir. Il m’a entraînée jusqu’à une table du réfectoire, il a troussé mes jupes jusqu’aux épaules et il a parcouru les contours de mon corps de ses mains moites. Mon principal regret quant à cette brève étreinte restera toujours qu’il ait entendu des pas et paniqué avant de m’avoir déshonorée. »
    J’ai bien tenté de caser un « Ho, ho, ho ! » guilleret au milieu de ce récit, mais personne d’autre n’a semblé amusé et Julia avait le visage en feu.
    « Après avoir promptement mené à bien ma déchéance, j’ai essayé de me racheter en devenant institutrice dans l’Oklahoma, mais j’ai trouvé ça ingrat. J’ai ensuite habité avec un joueur indien du nom de Jesse White Wings, Jesse “Ailes blanches”, qui m’a enseigné comment voler des chevaux. Et j’ai appris à sortir de prison sans être inquiétée rien qu’en accédant aux désirs secrets des geôliers  – une simple pose lascive était parfois suffisante. Rien de tout ça ne m’est apparu bien rebutant.
    — Eh bien, que de talents ! l’a raillée Julia. J’imagine que vous ne serez jamais sans emploi.
    — Ho, ho, ho ! me suis-je esclaffé à nouveau.
    — Je dois dire que je n’ai jamais considéré la virginité comme une condition enviable, a riposté Eugenia. Et l’innocence ne me paraît pas davantage faire le bonheur que l’analphabétisme. Je ne tiens pas à être une de ces gentilles filles surprotégées et effacées dont l’inébranlable chasteté constitue la plus grande fierté. »
    J’ai adressé un regard implorant de moribond à Miss Moore, mais elle dut l’attribuer à la cuisine de Julia, car elle poursuivit :
    « Je ne veux pas devenir une de ces vieilles tantes minaudières, geignardes et stériles qui craignent pour le salut de leurs âmes dès qu’elles tardent un peu à faire la vaisselle. La seule approbation à laquelle j’aspire est la mienne. »
    La pensée que ma soirée de rêve était en train de capoter m’avait alors déjà traversé l’esprit et j’ai tenté de sauver la situation en recourant à l’une de mes expressions érudites :
    « Je suis navré de te voir prendre ombrage de la sorte, Eugenia », ai-je débuté.
    Mais Julia a contre-attaqué :
    « J’en déduis que vous recherchez les sensations fortes, c’est ça ? Vous êtes une de ces femmes qui ne supportent pas l’ennui, qui souhaiteraient que la vie soit plus intéressante. Franchement, j’en ai ras-le-bol qu’il arrive quelque chose à tout instant. Pourquoi faut-il que tout le monde soit célèbre ? Pourquoi tout un chacun désire-t-il que son nom figure dans le journal ? Qu’y a-t-il de si merveilleux à être fascinant ? Personnellement, je préfère encore être gentille, surprotégée et effacée plutôt que d’être obsédée par la notoriété.
    — Vingt dieux ! me suis-je écrié. Rien de tel qu’une bonne discussion bien animée. »
    Eugenia m’a ignoré.
    « Oh, ma chère, je vous ai toute perturbée… Je vous ai coupé l’appétit ? Pardonnez mes mauvaises manières. Je crois que je ferais mieux de me retirer pour aller semer l’émoi chez les vachers. »
    Elle m’a souri en se levant de table et comme elle longeait le couloir, je l’ai entendue proférer, d’un ton de tragédienne : « Forces du mal, je m’offre à vous ! »
    « Eh bien, voilà qui donne à réfléchir, hein, Julia ?» ai-je hasardé.
    Elle fixait son assiette et prenait sur elle-même pour ne pas pleurer.
    « À

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