Le scandaleux Héliogabale : Empereur, prêtre et pornocrate
robe.
— Si on ne m’en débarrasse pas au plus vite, je te jure que je l’offre en repas à mes lions ! déclara Varius en cessant de caresser son bijou.
— Tu ne peux pas la chasser aussi facilement. La loi, qui remonte à Romulus, stipule qu’un mari ne peut se séparer de son épouse que pour deux motifs. Le premier est l’empoisonnement d’enfant, c’est-à-dire l’absorption d’un venenum qui provoque l’avortement, si elle est enceinte de toi. Mais ce n’est pas le cas, n’est-ce pas ? La seconde cause est l’adultère. Et nous avons la certitude, toi comme moi, que cette sage jeune femme n’a jamais été infidèle. Tu dois savoir aussi que si une épouse est renvoyée hors des deux clauses prévues de divorce, la moitié de la fortune de son mari lui appartiendra et l’autre moitié reviendra à Déméter. Mais je pense que tu voudras t’épargner ces désagréments et que, par conséquent, tu reviendras rapidement à de meilleurs sentiments à l’égard de Paula.
Toute cette harangue avait été habilement enveloppée et de façon trompeuse. Maesa savait pertinemment que les Romains ne s’embarrassaient plus, depuis longtemps, de ces vieux principes tombés en désuétude. Les empereurs, en particulier, renvoyaient leurs épouses quand bon leur semblait et se passaient bien de l’approbation de quiconque. Elle espérait cependant convaincre Varius de garder la fille de Paulus auprès de lui, pour des raisons essentiellement politiques.
— Dans ce cas, je vais changer la loi, décréta l’adolescent. J’obligerai le Sénat à m’accorder le divorce.
— Tu devras invoquer une raison valable.
— Cette épouse ne m’est d’aucune utilité.
— Ce n’est pas une raison valable.
— Elle m’ennuie. Elle me dégoûte.
— Cela non plus, ce n’est pas une raison valable.
Elle avait parlé, cette fois, avec ce ton familier, paternel, un peu dédaigneux, que les adultes emploient avec les enfants qui divaguent. Mais Varius n’était pas prêt à en démordre.
— Le but du mariage étant la conception d’un enfant, je prouverai qu’il m’est impossible de me reproduire avec cette femelle immonde, lâcha-t-il en tordant sa bouche.
Maesa et Soemias échangèrent un regard étonné. L’une comme l’autre savait que Varius n’était guère porté sur les femmes et qu’il ne s’en cachait pas, mais de là à ce qu’il en fasse l’aveu devant le Sénat…
— Les Pères conscrits te demanderont pourquoi… le prévint Maesa.
— Je leur répondrai que le fils de l’empereur ne peut souffrir la moindre imperfection. Il faut donc que la mère soit, elle aussi, parfaite.
— Ne l’est-elle pas ?
— Non, elle ne l’est pas.
— Et quelle est cette tare qu’elle dissimule si bien que personne d’entre nous ne l’a jamais vue, pas même ses parents ?
— Une tache.
Sa grand-mère haussa la ligne de ses sourcils dessinée au henné.
— Une tache ?
— Oui, une tache noire, dans le bas du dos.
— N’est-ce pas un grain de beauté ?
— Non, c’est une tache.
— De quelle taille ?
L’adolescent fit mine de réfléchir, avec une moue exagérément affectée.
— De la taille… d’un pépin d’orange. Non, d’un petit raisin sec de Corinthe. Oh, je ne sais plus…
— Tu n’es pas sérieux ?
Il lui jeta un regard de travers et dit, d’un air rogue :
— Ce n’est pas la grosseur de la tache qui importe, c’est la tache elle-même. Je ne veux pas que mon fils vienne au monde avec cette pustule sur le visage.
— Varius !
— Quoi ? Il leur faut une raison, je leur en donne une.
De nouveau il faisait bouger le gros joyau monté sur son majeur.
— Comment un grand prêtre supporterait-il une épouse avec une tache alors que ses chevaux sacrés ont une robe immaculée, aussi pure que la neige et que les taureaux qu’il sacrifie à Élagabal sont plus blancs que l’albâtre ?
— Les sénateurs rechigneront à accepter cet argument, répliqua Maesa. Et pense à Paulus ! Il va être fou de rage. Si sa fille est officiellement reconnue responsable de l’échec de votre union, non seulement elle sera expulsée du palais mais en outre, elle apportera le déshonneur sur sa propre famille. Une des plus anciennes et illustres familles de Rome !
Varius fronça le front, s’enlaidit volontairement par une grimace maussade :
— Ces vieilles croûtes du Sénat feront ce que je leur ordonne de faire ou
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