Le scandaleux Héliogabale : Empereur, prêtre et pornocrate
acérés.
— Oh ! Pauvre Paula ! répéta-t-il, enchanté de sa bonne farce.
— J’ai échappé à la mort de justesse !
L’empereur perdit son air malicieux et un rictus cruel tordit sa bouche charnue :
— Dommage, fit-il en la poussant de nouveau avec la pointe du pied. J’aurais pu envoyer à ton père des petits bouts de ton cadavre.
Depuis le fiasco de sa nuit de noces, Varius vouait à son épouse une haine indicible. Les rares fois où il avait tenté d’accomplir son devoir conjugal, ses tentatives s’étaient soldées par un cuisant échec.
Conscient de son incapacité à satisfaire son épouse, honteux de sa propre impuissance, il soulignait sans cesse ses déficiences à elle, se moquait de ses imperfections, la mortifiait tant qu’il pouvait, jour après jour. Son comportement n’était plus axé que sur le plaisir sadique qu’il prenait en la torturant de mille et une façons. Elle était sa victime, il était son bourreau. Et sa jouissance s’enflait de la souffrance morale de Paula à chaque nouvel affront, à chaque nouvelle injure.
En un an de mariage, Varius avait essayé sur cette compagne exécrée tous les outrages qu’il pouvait connaître ou imaginer.
— César, je t’en supplie, répéta Paula, ne me torture plus ! Laisse-moi quitter ton palais ! Je sais que ma vue t’est insupportable et que tu n’éprouves que du mépris à mon égard. Il serait plus facile pour nous deux de vivre loin l’un de l’autre.
— Non, répliqua-t-il durement. Tu n’as pas rempli ton devoir d’épouse, tu ne peux pas partir.
La jeune femme le regarda comme si elle avait affaire à un dément. Le courage dont elle avait fait preuve et qui était assez inhabituel chez elle l’abandonna tout à fait. Elle n’osa faire remarquer à son jeune époux qu’elle n’était pas responsable du problème qu’il venait brutalement d’évoquer et qu’elle refusait qu’il lui adressât un reproche aussi injuste.
— Cela dit, ajouta Varius, je n’ai plus l’intention de perdre mon temps à essayer de m’accoupler avec une potiche aussi mal tournée que toi. Tu me dégoûtes tellement que je perds le sommeil à l’idée de devoir te toucher et sentir ton haleine fétide. Elle se releva, blessée au plus profond de sa fierté de femme.
— Alors, dit-elle en recouvrant un semblant de dignité, si tu n’as plus besoin de moi, tu peux donc me laisser m’en aller.
Varius, pris à son propre piège, resta silencieux quelques secondes.
— J’y ai songé. Mais ton père serait trop heureux de te voir revenir intacte et de pouvoir te marier à un brillant parti. Et surtout trop heureux de se railler de moi, en constatant que notre union n’a pas été consommée.
— Personne ne saura, dit Paula en ravalant les derniers sanglots qui mouraient dans sa gorge, je tairai ce secret.
Varius sauta du lit et la tira violemment par les cheveux.
— Quel secret ? dit-il en lui faisant pousser un cri de douleur. Il n’y a pas de secret ! Garde bien au fond de ta bouche ta langue de vipère !
Il la lâcha brutalement et éprouva un petit frisson de plaisir en la regardant tomber lourdement par terre.
— Un secret ! répéta-t-il, mauvais. Je ne vois pas ce que tu veux dire par là… Personne ne pourra plus prétendre que tu es encore vierge.
Son épouse lui lança un regard dans lequel se mêlaient l’incompréhension et la peur.
— Pourtant je le suis, dit-elle d’une voix presque inaudible. Je jure devant tous les dieux que je le suis.
— Eh bien, dans quelques heures tu ne le seras plus ! ricana Varius. Suis-moi !
Il la fit sortir de ses appartements puis du palais et l’emmena jusqu’à l’Élagabalium.
Il la traîna vers le sanctuaire, la tirant par les cheveux et par le bras, ignorant ses supplications, ses larmes et ses gémissements, tandis qu’ils montaient ensemble les marches du grand temple.
Parvenu à l’intérieur de la cella, il la jeta de nouveau sur le sol et la força à se prosterner devant les deux idoles.
— Attends ici ! ordonna-t-il.
Quelques minutes plus tard, il revenait accompagné de trois eunuques.
La tête couverte d’une calotte crépue, les lèvres épaisses et pendantes, le nez dévié et boursouflé, les oreilles percées de monstrueux anneaux, ils étaient hideux à voir. Leurs tuniques sans manches laissaient apparaître des bras énormes et une peau luisante comme l’ébène. Plantées sur des cous de
Weitere Kostenlose Bücher