Le scandaleux Héliogabale : Empereur, prêtre et pornocrate
encore Varius avec enthousiasme. Hiéroclès est mon mari… N’est-il pas naturel, dans ce cas, qu’il devienne mon successeur ?
Soemias était comme un animal sauvage, qui ne pressentait que les dangers imminents, qui ne flairait, à l’instinct, que les attaques directes et les ruses grossières. Elle fut incapable de mesurer non seulement l’absurdité, mais la folie d’un tel choix politique.
— Tu as raison, répondit-elle, convaincue. Je ne doute pas de l’amour que te porte Hiéroclès, ni de sa loyauté. Lui, au moins, n’essayera pas de te voler ton trône. Et ainsi, nous couperons l’herbe sous le pied de cette garce de Mammaea !
Varius, enchanté de la décision qu’il venait de prendre et qui avait, d’après ce qu’il pouvait sentir sous le drap, rallumé l’ardeur de Hiéroclès, plongea ses doigts dans la crinière déployée de son amant. Redevenu soudain libre et insouciant, débarrassé du poids de sa peur, convaincu qu’il avait d’ores et déjà vaincu l’ennemi, il l’embrassa avec un grand rire, un rire enfantin et léger.
* * *
Lorsqu’il entra dans la Curie, trois jours plus tard, il était d’excellente humeur. Il allait enfin se débarrasser de son encombrant cousin, de ce chancre puant qui lui gâchait la vie depuis plusieurs mois ! Oui, il allait enfin crever cet abcès qu’il avait lui-même contribué à faire naître et qu’il avait laissé stupidement enfler ! Il se posa sur son siège d’ivoire, lissa sa robe lilas, ajusta son diadème sur ses boucles parfumées.
— L’empereur salue le Sénat, dit-il d’abord en souriant, de son sourire confiant et satisfait. Je vous ai convoqués aujourd’hui pour vous informer d’un événement grave concernant Alexianus…
Il cessa de sourire, puis, après quelques secondes de silence, reprit :
— Je vous rappelle que le titre de César a été conféré à mon cousin ni par testament, selon la tradition, ni par la nécessité d’assurer la succession de l’Empire, mais par le bon vouloir de votre Auguste, qui, en le considérant à tort comme un fils bienveillant, a accepté de le désigner comme son héritier.
Il s’arrêta de nouveau et, cette fois, se leva très lentement. Il prit un air à la fois effondré et indigné, en fermant les yeux et en crispant les mâchoires. Puis, ravi de son effet, il poursuivit d’un ton plus dur :
— Or, il s’avère qu’Alexianus, cet ingrat, ce traître, nourrit des projets criminels à mon égard, afin de s’emparer de la pourpre ! Partant du principe qu’il vaut mieux combattre la maladie dès qu’elle se déclare plutôt que d’attendre d’être dans un état désespéré ou encore de s’en remettre au verdict du destin, je vous demande aujourd’hui de retirer à cet animal nuisible, à cette peste publique, ce parricide, son titre de César, afin de lui ôter toute raison de convoiter le pouvoir ! Oui, je vous demande, Pères conscrits, d’ajouter foi à mes craintes et de ne pas attendre mon meurtre pour punir ce faux fils, cette canaille ! Il y va du salut de l’empereur et du salut de l’État ! Que le Sénat se fasse l’interprète de mes volontés, qu’il manifeste son courroux et son indignation en retirant son titre de César à Alexianus et en désignant comme mon successeur un homme vraiment digne de cet honneur, le dévoué Hiéroclès…
À cette annonce, une immense clameur de protestation s’éleva des gradins de la Curie. Les sénateurs, debout comme un seul homme, tendirent des poings rageurs vers l’estrade de l’empereur, criant d’une même voix leur indignation.
Trois ans de silence et de résignation semblaient s’être enfin rompus à la nouvelle de la destitution d’Alexandre et surtout de la nomination du cocher.
Varius interrompit net son discours, stupéfait, abruti de surprise.
— Je… je vous ordonne de vous taire ! cria-t-il à la meute aboyante et déchaînée qui s’agitait sur les bancs.
Mais le bruit des exclamations et des vociférations couvrit le son de sa voix.
Voyant les Pères conscrits pour une fois solidaires dans l’opposition, il comprit qu’il n’obtiendrait pas leur accord et qu’il se trouvait dans l’impasse. Cette rébellion sénatoriale, qu’il n’avait pas envisagée une seule seconde, le laissa d’abord muet puis, passé les premières minutes de consternation, déclencha en lui une fureur de chien enragé.
Ivre de colère, rouge et brûlant de honte, il se
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