Le scandaleux Héliogabale : Empereur, prêtre et pornocrate
l’attendait le cadavre de son ancien ennemi.
Devant la charogne putréfiée de Macrin, un sentiment de puissance et de plaisir mêlés lui firent exécuter quelques joyeux pas de danse, qui laissèrent sans voix les soldats rassemblés. Le convoi arriva enfin à Nicomédie, en Bithynie, à la fin de l’automne.
— Voilà cinq mois que nous sommes sur la route ! s’emporta Maesa. Pourquoi faut-il encore que nous nous arrêtions à Nicomédie ?
— L’hiver arrive, la prévint Gannys Eutychianus. On ne peut pas traverser le Bosphore durant cette saison.
— Essayons quand même, proposa Maesa.
— Non, les courants et les vents sont trop forts. Il va falloir attendre aprilis (70) que la mer soit de nouveau ouverte.
— Encore quatre mois de plus ! Dire que nous pourrions déjà être à Rome ! Et depuis longtemps !
— La faute en incombe à Varius, répliqua Gannys sans s’énerver. Si nous n’avions pas perdu tout ce temps en Syrie et en Cilicie, nous serions arrivés à Nicomédie depuis longtemps.
— Je le sais ! s’exclama la vieille Syrienne, au comble de l’exaspération. Inutile de me rappeler les lubies de mon petit-fils, elles m’horripilent suffisamment ! Non content d’avoir emporté avec lui sa pierre sacrée, il a fallu qu’il déambule à travers toutes les provinces pour faire admirer sa royale personne !
— Je crois que Varius avait d’autres projets en tête que de parader. Il a profité de ce voyage pour faire connaître et pour imposer Élagabal aux populations indigènes.
— Ses excentricités risquent de lui coûter cher ! Pendant qu’il exhibe sa pierre noire, Rome attend toujours son empereur ! Et les mutineries se trament ! On raconte que certains légats et tribuns de la légion scythique commencent à conspirer contre lui !
— En effet, confirma Gannys. Il s’agit de Verus et de Maximus Gellius. Mais l’affaire est réglée : ils ont été appréhendés et mis au supplice.
— En attendant que d’autres rébellions éclatent !
— De toute façon, soupira Eutychianus, nous ne pouvons rien faire de plus. Nous sommes cloués à Nicomédie pour l’hiver et il va bien falloir que nous nous en accommodions. Quant à Varius, nous devons faire preuve de patience. Laissons-lui le temps de s’habituer à tous ces changements et à ses nouvelles fonctions. Ce n’est encore qu’un enfant.
— De la patience, nous en avons fait preuve suffisamment ! lança une voix féminine, un peu rauque, qui fit se retourner ensemble Maesa et Gannys.
Mammaea les dévisageait de son air sévère.
— Tu n’es pas la seule à ronger ton frein, dit-elle à sa mère. Crois-tu que cela a été une partie de plaisir, pour moi et pour Alexianus, de sillonner en long et en large la moitié de l’Orient ?
Puis elle se tourna vers Gannys Eutychianus :
— Dans combien de temps serons-nous à Rome ? demanda-t-elle avec impatience.
— Il va falloir attendre aprilis pour traverser la mer, répéta de nouveau Gannys d’un air navré. Ensuite, il faudra compter encore quatre à cinq mois pour arriver en Italie. Si Varius ne nous ralentit pas.
— Un an ! Il se sera passé un an entre notre départ d’Émèse et notre retour chez nous ! s’exclama Mammaea, dépitée.
Le « chez nous » montrait bien à quel point la jeune femme avait, comme sa mère, et depuis longtemps, rompu avec ses attaches syriennes.
— Décidément, Varius ne semble pas pressé d’arriver à Rome ! ajouta-t-elle en se tournant vers Maesa. Peut-on savoir ce qui ne va pas dans l’esprit de ce gamin ?
La vieille Syrienne haussa les épaules mais ne dit mot, signifiant par là à Mammaea qu’elle ne désirait plus parler de son petit-fils.
Mais la jeune femme, qui ne paraissait pas, elle, vouloir changer de sujet, revint à la charge :
— As-tu l’intention de laisser Varius continuer le voyage dans cet accoutrement ? Tant que nous étions en Orient, ses robes et ses bracelets ne choquaient personne mais il en sera peut-être autrement lorsque nous traverserons la Thrace et la Dalmatie. Et je n’ose imaginer ce que penseront les Romains en le voyant ainsi vêtu, lorsqu’il fera son entrée dans la ville des Césars !
— D’ici là, coupa Gannys, nous aurons eu le temps de le faire changer de costume. Varius n’est pas un imbécile, il sait très bien où se trouve son intérêt.
— Je n’en suis pas si sûre, rétorqua Mammaea. Cet enfant est
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