Le scandaleux Héliogabale : Empereur, prêtre et pornocrate
le corps sans vie de leur victime et qu’ils repartirent vaquer à leurs occupations, Marcianus Taurus ordonna à l’un de ses soldats de retourner vers Macrin.
— Tu sais ce que tu dois faire ?
Le soldat opina du chef. Il se dirigea vers le cadavre et s’accroupit à ses côtés, pour achever la tâche que son centurion avait commencée, et le décapita.
Ainsi périt l’empereur Marcus Opellius Macrinus, après un règne éphémère et sans gloire.
Le centurion Taurus recueillit sa tête et l’enveloppa dans un sagum (65) afin qu’on puisse l’apporter sans tarder aux princesses syriennes. Ses restes, en revanche, furent laissés à l’endroit même où il avait péri, afin que le nouveau César puisse les contempler, lorsqu’il prendrait le chemin de Rome.
Dans la soirée, un vent brûlant se mit à souffler sur Archélaïs et envahit la plaine aride où reposait le corps du vieil homme, le recouvrant d’une fine couche de sable jaune, dérisoire stèle pour celui qui, durant quelques mois, avait caressé le rêve fou de conduire le sort du monde…
Pendant ce temps, à Émèse, un adolescent de quatorze ans et son étrange pierre noire se préparaient à marcher vers leur destin.
CHAPITRE VIII
Un mois plus tard, au début de l’été, partant d’Antioche où les Syriennes s’étaient installées dans le palais du gouverneur – le temps de récompenser les soldats avec des aurei (66) neufs frappés à l’effigie de Varius –, le cortège impérial se mit en route pour Rome.
Il prit aussitôt l’allure d’une impressionnante et rocambolesque procession orientale.
En tête du convoi, aménagé comme un véritable temple mobile, conduit par deux paires de chevaux blancs magnifiquement harnachés, déambulait le char sacré. Ouvert sur les quatre côtés et recouvert d’un dais somptueux, il abritait Élagabal, la pierre noire d’Émèse.
Derrière lui, avançaient lentement les litières royales, portées chacune par huit robustes esclaves nubiens, et que la famille impériale occupait lorsqu’elle les préférait aux lourds et luxueux carpenti (67) .
De temps en temps, le jeune empereur, allongé sur des coussins moelleux, écartait le rideau de sa lectica (68) , pour contempler avec adoration sa pierre solaire, tout aussi confortablement installée que lui dans son quadrige étincelant. Puis, assuré que son divin bétyle, qui reposait sur un large coussin, précieusement voilé de soie et protégé par deux parasols frangés de pierres précieuses, ne souffrait pas trop des vicissitudes de la route, il refermait les tentures de sa litière pour replonger dans sa molle torpeur.
Les officiers de la garde prétorienne, resplendissants dans leurs cuirasses moulées et recouvertes de phalères d’argent, protégeaient le pittoresque convoi. À leur tête chevauchait fièrement Valerius Comazon, récemment promu au rang de nouveau préfet du prétoire, en récompense de son aide lors du siège de Raphanae.
Derrière les troupes commandées par Comazon, suivait la foule bigarrée des fidèles desservants d’Élagabal, les prêtres, les galles, les mages, les astrologues, les musiciens jouant des cymbales et du tympanon.
Puis caracolait à leur suite tout le flot des courtisans, une troupe joyeuse et bourdonnante de jeunes garçons vêtus de tuniques aux couleurs vives, de jeunes filles aux cheveux longs, couronnées de lierre et de tilleul, bruyantes et agitées comme des bacchantes.
Eux-mêmes précédaient les eunuques, les serviteurs, les porteurs, les esclaves qui accompagnaient les ânes, les chameaux, les moutons et les bœufs, les plaustri (69) chargés de victuailles, de vêtements, de meubles, d’étoffes et d’objets liturgiques.
Au lieu de filer directement vers Rome, comme chacun aurait pu s’y attendre, le cortège, après avoir quitté la Syrie, traversa lentement l’Anatolie, effectuant, dans un long et sinueux périple, d’innombrables étapes dans toutes les grandes villes des provinces orientales.
Après s’être arrêté à Alexandria, à Issus, puis à Hiérapolis, au nord d’Antioche, il obliqua vers l’ouest afin de gagner Anazarbus, pour redescendre ensuite vers le sud et rejoindre Mopsueste.
Il reprit alors la route d’Adana et de Tarse et remonta au nord-ouest jusqu’à Faustinopolis-Halala, puis Tyane. Avant de rejoindre Ancyre et Juliapolis, l’empereur exigea que le cortège fît une halte au camp militaire d’Archélaïs, où
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