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Le scandaleux Héliogabale : Empereur, prêtre et pornocrate

Le scandaleux Héliogabale : Empereur, prêtre et pornocrate

Titel: Le scandaleux Héliogabale : Empereur, prêtre et pornocrate Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Emma Locatelli
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ses mots d’une inspiration satisfaite qui fit enfler ses narines gourmandes, comme deux bouches voraces.
    Le préfet de la ville acquiesça, soumis comme toujours aux caprices de l’adolescent.
    — Cette générosité t’honore, dit-il en se forçant à la plus hypocrite des obséquiosités. Il sera fait selon ta volonté.
    Évidemment, Comazon trouvait ces largesses plutôt suspectes de la part d’un enfant qu’il avait toujours connu obsédé par la satisfaction de ses seuls désirs. Mais il en vint rapidement à la certitude que son geste n’était inspiré ni par la compassion ni même par la folie, mais tout simplement par son incorrigible orgueil. Il connaissait suffisamment Varius pour savoir qu’il avait toujours eu le goût de la provocation, parce qu’elle le plaçait au-dessus du commun de l’humanité. Déjà, à Émèse, il lui fallait sans cesse étonner son entourage, le surprendre par des actions et des excès inattendus, qui attiraient inévitablement l’attention sur sa précieuse petite personne. Alors comment s’étonner qu’une fois devenu le maître du monde, cet enfant perturbé profitât de son immense pouvoir pour se livrer à des prodigalités aussi grandioses qu’inutiles ?
    — Quant à ces malheureuses prostituées, ajouta Varius en repartant en direction de la Domus Augustana, il est impensable de les laisser exercer leur noble profession dans la rue ou dans des bouges infects. Peut-être César va-t-il les inviter d’ici peu à venir s’installer au Palatin…
    — Toutes ? s’étouffa Comazon.
    — Pourquoi pas ? fit Varius qui, comme toujours, s’amusait de la crédulité de son préfet. Est-ce que cela te pose un problème ?
    — Elles sont des milliers !
    — Ce que tu peux être mesquin, Valerius…
    Le jeune empereur sortit une dernière fois sa tête de mouton bouclé en dehors de la litière et renifla l’air, pour humer, avec un mélange de dégoût et de volupté, le parfum nauséabond du petit peuple.
    — Il faudra que je revienne par ici, dit-il en se parlant à lui-même. Il y a beaucoup de choses que je n’ai pas encore vues… Et qui devraient m’amuser !

CHAPITRE XIV
    À partir de ce jour, le jeune empereur prit l’habitude de s’échapper du palais, dès la nuit tombée, pour courir les tavernes et les venelles des quartiers populaires.
    Son nouveau caprice l’emmenait dans les établissements les plus crasseux et les plus sordides de la ville, pour s’acoquiner avec les déchets de la plèbe jusqu’aux premières lueurs de l’aube. Chaque soir, il sortait, tantôt habillé d’un grossier manteau de laine et la tête couverte d’un capuchon, tantôt déguisé en femme, avec une perruque et des châles, pour rejoindre la populace des canailles et des rebuts humains, recherchant avec frénésie les lieux de débauche les plus animés.
    Là, il lui arrivait de disputer d’interminables parties de dés avec des muletiers ou de s’enivrer de mauvais vin avec les ivrognes. Il assistait parfois à des combats de coqs en compagnie d’esclaves, de fugitifs, de bourreaux, de petits voyous, conversait avec les putains du Vélabre, se faisant expliquer par celles-ci l’art du racolage et pleurant d’un cœur sincère sur leur déplorable condition. La vulgarité des filles de joie, la puanteur des bouges, la violence brutale des soûlards, la misère et le vice de ces marginaux de tout acabit exerçaient sur lui une fascination perverse qui l’entraînait à s’enfoncer, soir après soir, et toujours plus bas, dans la lie de la société.
    Lorsqu’il revenait de ses expéditions nocturnes, sale mais grisé, le coureur travesti redevenait l’empereur de Rome : il se faisait alors entièrement laver par ses esclaves et inonder le corps d’essences subtiles, se faisait nettoyer les ongles et la bouche.
    Ainsi purifié et parfumé, il s’allongeait ensuite sur son couvre-lit de mousseline, finement ouvragé de palmettes en fils d’or, tâtait le moelleux de son matelas en duvet de cygne, et savourait le luxe et les douceurs de sa vie dorée, avant de s’endormir.
    Parfois, au retour de ses sorties nocturnes et crapuleuses, il se faisait apporter un miroir et contemplait le beau visage que lui renvoyait l’argent poli. De la même façon qu’il avait, quelques heures plus tôt, dans les sordides tavernes, examiné avec minutie et une monstrueuse délectation les laides figures des maquerelles et des putains, il scrutait ses

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