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Le scandaleux Héliogabale : Empereur, prêtre et pornocrate

Le scandaleux Héliogabale : Empereur, prêtre et pornocrate

Titel: Le scandaleux Héliogabale : Empereur, prêtre et pornocrate Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Emma Locatelli
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d’apparat :
    — Eh bien quoi ? Figurez-vous que l’empereur de Rome a aussi un cœur !
    Le lendemain, le jeune empereur quittait ses appartements du Palatin pour une promenade dans les bas-fonds de l’ Urbs, bien décidé à vérifier par lui-même la véracité des propos du petit voleur.
    Allongé sur une litière tendue d’étoffes douces et accompagné de Valerius Comazon, ainsi que d’une impressionnante troupe de gardes en armes et de vingt-quatre licteurs, il débuta sa balade dans les quartiers populeux au nord du Forum, ceux qui longeaient la voie de l’Argilète (84) , entre le Quirinal et le Viminal.
    Subure avait la réputation d’abriter la population la plus déshéritée et la prostitution la plus misérable de la ville. Les gens s’entassaient dans de très hauts immeubles à étages, croulants et insalubres. Le long des rues crasseuses et des façades lépreuses, se bousculait une foule de vagabonds et de mendiants en haillons, d’enfants rachitiques et pleurnichards, accrochés à leurs mères. La chaussée était encombrée par les tréteaux des fripiers et des vendeurs de pois chiches, par les marmites de résine à épiler et les étals d’anchois pourris. Ici et là, des prostituées desséchées et échevelées, au teint blafard et aux yeux chassieux, interpellaient les passants, invectivaient les colporteurs qui les bousculaient, tandis qu’au milieu de cette cohue répugnante, des miséreux, expulsés de leur logement, traînaient péniblement leur grabat sur la voie.
    Un tourbillon de bruits incessants épuisait les oreilles, des bruits produits par les marteaux des chaudronniers, les maillets des ouvriers, les cris des vendeurs et des boutiquiers, les hurlements des gamins, les querelles des maquerelles, les palabres des diseurs de bonne aventure, les braillements des muletiers. Harangues, rires, pleurs, vociférations, rien ne semblait pouvoir arrêter ce formidable vacarme qui, tout au long du jour, montait des rues.
    Cette multitude oisive ou affairée à ses petits trafics offrait à chaque coin de rue, à chaque pas de porte, un véritable spectacle : on voyait des mendiants dormir à même le sol, à côté des chapelets d’ail et d’oignon, des escrocs monnayer discrètement leur marchandise volée, des barbiers ambulants raser leurs clients au milieu du trottoir, des ivrognes sortir en titubant de tavernes enfumées, des badauds groupés autour d’un montreur de singe, des esclaves publics hisser le cadavre d’un indigent sur leur civière pour l’emmener dans la fosse commune.
    — Comment peut-on être aussi pauvre dans la ville la plus riche du monde ? s’étonna l’empereur en penchant la tête en dehors de la litière, vers Comazon.
    — Ne t’y trompe pas, César. Beaucoup sont trop paresseux pour travailler honnêtement.
    — Veux-tu dire qu’ils font exprès d’être pauvres ? demanda Varius, l’air sceptique.
    — Je veux dire qu’ils préfèrent demander la charité ou vendre leurs charmes plutôt que de pousser la charrue.
    Ce point de vue n’intéressa guère l’empereur, qui fit claquer sa langue et se retourna sur ses coussins.
    Un peu plus loin, alors qu’ils s’apprêtaient à pénétrer dans le Submemmium (85) , Comazon fit immobiliser la litière qui transportait Varius et donna l’ordre à ses gardes de rebrousser chemin.
    — Pourquoi nous arrêtons-nous ? interrogea l’empereur avec une pointe d’irritation.
    — Je ne pense pas que tu trouveras un intérêt à te promener dans cette rue, César. Il n’y a rien à y voir, sinon une succession de réduits immondes qui abritent des prostituées.
    — T’ai-je demandé de penser à ma place ? s’énerva l’adolescent. Allons-y !
    La lectica impériale s’enfonça dans la rue et Varius, la tête hors des tentures, observa avec une curiosité mêlée de dégoût le spectacle des garçons et des filles qui, debout devant des loges minuscules et puantes, attendaient le client. Certaines filles étaient entièrement nues, d’autres à peine vêtues d’un pagne et d’un soutien-gorge, coiffées seulement d’une perruque rouge, insigne de leur profession.
    Varius fit stopper sa litière et décida d’en descendre. Un esclave vint lui offrir sa main pour l’aider à poser le pied à terre, et l’adolescent s’extirpa, avec une lenteur aussi majestueuse que précautionneuse, de son somptueux véhicule, comme un dieu qui, descendant de l’Olympe, s’apprête à

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