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Le secret de la femme en bleu

Le secret de la femme en bleu

Titel: Le secret de la femme en bleu Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Marc Paillet
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notre enquête.
    Ménageant ses effets, Childebrand but une gorgée de vin avant de poursuivre :
    — Hier donc, on est venu m’avertir qu’Odile avait semblé recouvrer ses esprits – oh ! très faiblement et confusément ! –, cela arrive parfois quand un moribond est à la dernière extrémité. Je me suis rendu en hâte à son chevet, accompagné par mon assistant, Doremus, et par Sauvat qui commande ma garde personnelle. Quand je suis entré dans le valetudinarium, elle était prostrée et bredouillait par moments des lambeaux de phrases, incompréhensibles. Je me suis approché d’elle. Alors elle m’a regardé fixement, et elle a eu comme un sursaut, stupéfiant en vérité. Le visage tendu vers moi, elle parut puiser au fond d’elle-même le peu de force qui lui restait ; comme pour se décharger du poids d’un secret trop lourd pour elle – surtout au seuil de la mort – elle m’a crié que Clodulf était… « fils de Charles ». Elle a répété : « Fils de Charles. » Puis elle s’est affaissée sur sa couche, épuisée. Ce furent, je crois, ses dernières paroles.
    Childebrand passa la main sur son visage.
    — Terribles circonstances, n’est-ce pas, pour un terrible aveu ! poursuivit-il. Se peut-il, Régina, que Rikhilde ait eu un bâtard de Charles empereur, de celui dont, depuis quelques années, tu es la compagne reconnue ? Car de quel autre Charles pourrait-il s’agir, je te le demande !
    La concubine du souverain, les yeux baissés, les lèvres pincées, ne répondit pas.
    — Que signifie ce silence ? jeta le Nibelung d’une voix âpre. Dois-je comprendre que ce qui fut pour moi une révélation, ô combien troublante, n’en est pas une pour toi ?
    Régina pencha la tête pour cacher ses pleurs.
    — Ainsi, tu le savais ! s’écria-t-il. Mais comment est-ce possible ? Comment as-tu pu garder auprès de toi, comme dame d’atour – et avec quel rôle, en particulier auprès de tes fils ! –, une femme qui a trahi ta confiance avec ton propre seigneur ? Comment, par le diable ? Ainsi, dans le même temps où il te rendait grosse d’un enfant, Hugues, n’est-ce pas – et elle ne pouvait l’ignorer –, elle cherchait et obtenait les faveurs d’un prince dont chacun connaît les ardeurs ; car il ne se soucie ni de les cacher ni de les contenir, et les apaise chaque fois qu’il le peut si son envie le lui inspire… et naturellement si on lui en offre l’occasion ! Quand sa grossesse devint apparente, Rikhilde a-t-elle prétendu auprès de toi que l’enfant qu’elle attendait était le fruit des œuvres de son époux ?
    — Elle n’aurait pas pu le soutenir, murmura la jeune femme.
    — Ainsi, c’est bien vrai : tu savais ! tonna le comte. Tu ne pouvais pas ne pas savoir ! Ah, vertu Dieu !…
    Régina releva la tête, montrant son visage en larmes.
    — Et que se serait-il passé, dit-elle, si j’en avais fait grief à l’empereur, si je l’avais accablé de reproches, alors que je ne suis pas son épouse, mais sa concubine et précédée, en cela, par Madelgarde et Gervinde, qui continuent à guetter mon premier faux pas… Et il y en a bien d’autres ? Charles, qui n’a jamais su se satisfaire d’une seule, aurait-il supporté que je me montre d’humeur chagrine et querelleuse, que je transforme la chaleur de mon accueil qu’il apprécie – ô combien ! – en fâcherie et tourment ? Non, et encore non, à l’évidence ! Au lieu de la position que me valent ce que je suis, l’agrément et la paix qu’il trouve auprès de moi, les deux fils que je lui ai donnés, et, pourquoi le cacher, ma complaisance, j’aurais été au-devant d’un sort cruel : disgrâce, répudiation, déchéance… le malheur !
    — Voilà donc pourquoi tu aurais supporté, sans mot dire, et même avec le sourire, la trahison de Rikhilde ?
    — Pour cela, en effet, seigneur, et autre chose encore ! Ne valait-il pas mieux que je conserve sous mon regard celle qui, d’ailleurs, se présentait comme une victime : oui, la victime des égarements passagers d’un prince trop ardent ? Si je l’avais chassée, qu’aurait-elle fait ? Libre d’agir à sa guise, et pleine de rancœur, elle n’aurait pas manqué d’intriguer à la cour, où elle aurait trouvé tous les secours de la jalousie. Et quelle assurance pouvais-je avoir que Charles me resterait attaché ?
    Childebrand prit sur la table un beignet qu’il mangea lentement, but à nouveau un gobelet de vin et regarda autour de lui

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