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Le secret de la femme en bleu

Le secret de la femme en bleu

Titel: Le secret de la femme en bleu Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Marc Paillet
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a fourni la preuve irréfutable que les deux tueries, celle de Thionville et celle du bois de Saint-Martin, étaient, en quelque sorte, reliées.
    — Il n’est pas exclu qu’ils aient voulu précisément apporter cette preuve, plaça le frère Antoine.
    — Autre chose encore rapproche, à l’évidence, ces deux affaires : les messages, dont celui que tu as trouvé là-haut, seigneur, estima l’ancien rebelle.
    D’un signe de tête, le Saxon l’invita à poursuivre. Doremus alors s’estima autorisé à relater le déroulement de l’enquête entreprise à Thionville, en entrant dans tous ses détails, y compris ceux qui, en première analyse, paraissaient revêtir peu d’importance. Il souhaitait que le Saxon acquière une connaissance approfondie d’investigations dont il n’avait pu apprendre précédemment que les orientations générales. L’abbé médita un long moment, pendant que ses anciens assistants se désaltéraient à leur tour.
    — C’est bien malgré moi, dit-il enfin, que j’ai interrompu ma retraite, pieuse et studieuse, ainsi que celle du frère Antoine, pour apporter une aide à l’abbé Magulphe qui est également, ne l’oublions pas, à la tête du diocèse de Metz, un peu comme un vicaire du souverain. Je ne me doutais pas que cela m’entraînerait si loin, jusqu’à m’immiscer, sans l’avoir voulu, dans les recherches que mène le missus dominicus désigné par l’empereur… Mais ce qui est fait est fait.
    Erwin soupira.
    — Dès lors, autant le faire efficacement ! Après ce que tu viens de me dire, s’ajoutant à ce que Timothée m’avait déjà révélé, il tombe sous le sens que le comte Childebrand doit être averti au plus tôt et avec le même souci d’exactitude de ce qui s’est passé ici.
    Il tendit à l’ancien rebelle le message qu’avaient laissé derrière eux les tueurs de la maison forestière.
    — A l’appui de ton récit, tu remettras ceci au missus dominicus, car je ne peux, ni ne veux, me rendre moi-même à Thionville, le souverain ne m’ayant confié aucune tâche en cette affaire. Tu diras à mon ami que j’ai repris ma récollection à l’abbaye de Gorze…
    Il marqua un léger temps d’arrêt avant d’ajouter :
    — … où, évidemment, je ne suis pas au secret. Timothée ne sera pas loin de toi, et le frère Antoine près de moi…
    La maîtresse de maison, cependant, avait fait disposer le lard, les jarrets de porc, les poules farcies et les légumes sur de grands plats et verser le bouillon dans une soupière au fond de laquelle avaient été disposées des tranches de pain aux noix. Sous la conduite de la fille aînée, les deux esclaves domestiques apportèrent au milieu de la table, devant les écuelles, les mets qui composaient cette potée dont l’odeur, délectable, fit frémir les narines du Pansu. Erwin obtint, à force d’insistance, que les deux colosses, Sauvat et Hauer, qui avaient bavardé debout, gobelet en main, près de la cheminée, s’assoient à sa table.
    L’abbé saxon était heureux. Déchargé des soucis qu’entraînaient inévitablement les responsabilités immédiates des missions, entouré de collaborateurs dont il connaissait le courage, le dévouement et – pourquoi se le cacherait-il ? – l’affection, non sans réciprocité, en paix avec lui-même ainsi que – il l’espérait – avec le Très-Haut, il goûtait pleinement ces instants. Il appréciait comme un bienfait du Ciel de se trouver au cœur d’une maisonnée de gens simples et dignes, respectueux sans flagornerie, près d’un âtre où rougeoyaient des braises, avec, devant lui, dans une belle écuelle de bois sculpté, des nourritures savoureuses qui lui rappelaient son enfance en Northumbrie ( 24 ), où l’on préparait une cervoise semblable à celle qu’on lui servait. Il aimait s’entretenir avec ces humiles ( 25 ) que bien des grands méprisaient, oubliant que leur labeur était nécessaire à la richesse des royaumes, leur foi à la gloire de l’empereur. Il prêtait volontiers l’oreille aux récits de leurs difficultés, de leurs peines et de leurs joies, à leurs griefs, à leurs espérances, toutes confidences plus précieuses pour la conduite de l’empire que nombre de propos de cour.
    Il apprit, en l’occurrence, que les pays arrosés par la Moselle et la Meuse avaient été à peu près les seuls à être épargnés par une sécheresse qui avait ruiné les récoltes en de très nombreux comtés et par les

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