Le Secret de l'enclos du Temple
chose. Je suis d'accord avec Guy : le Bel devait surveiller tout ce qui entrait et sortait du Temple.
— Pourtant la déposition de Jean de Chalon existe…
Le grand prieur tapota le livre qu'il avait à la main.
— Le trésor est parti du Temple et a été caché quelque part, en Normandie ou ailleurs… Mais ce papier est bien insuffisant pour indiquer la cachette. On ne le retrouvera donc jamais, poursuivit-il.
— Je crois qu'il y a bien eu des chariots, mon oncle, mais qu'ils jouaient le rôle d'un leurre. En tout cas, c'est ainsi que j'aurais agi.
— Un leurre ? Mais alors où serait l'or ? demanda le prieur en haussant les sourcils.
— Ici ! Il est encore ici ! Molay l'a dissimulé dans l'enclos et le parchemin indique l'endroit. Il suffit de comprendre ce qu'il veut dire. L'or est enfoui dans l'enceinte de la commanderie, martela Bussy. Quant aux nombres, il s'agit vraisemblablement d'une distance à parcourir à partir d'un endroit donné. Il suffit de trouver la clef du parcours.
Pendant qu'il s'expliquait ainsi, le grand prieur gardait une moue affectueuse, mais ironique, tandis que Guy levait les yeux vers le plafond pour marquer son incrédulité.
8 Louis X, dit le Hutin.
9 Archives secrètes du Vatican, register Aven N° 48 Benedicti XDII, tome I, folio 448.
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Mardi 17 décembre 1647
C 'était la sixième et dernière affaire jugée à l'audience de la chambre criminelle du Châtelet, le présidial de la prévôté et vicomté de Paris. Le procureur Gaston de Tilly, installé sur la banquette fleurdelisée de l'estrade, observait le lieutenant civil, Antoine Dreux d'Aubray, qui sur la chaire de président échangeait quelques mots à voix basse avec Jacques Tardieu, le lieutenant criminel, assis à son côté.
Vingt-deux conseillers au Châtelet, tous en robe noire et toque, étaient assis devant lui sur deux rangs superposés en fonction de leur préséance. À la demande du lieutenant criminel, M. de Tilly remplaçait un magistrat et, compte tenu de son état et de sa charge, bénéficiait d'un siège sur l'estrade, tout comme le procureur et les commissaires, chacun étant particulièrement jaloux de la place à laquelle il avait droit et minutieusement déterminée selon son rang.
Procureur du roi au Châtelet, mais rattaché à la chancellerie par une commission royale, Gaston de Tilly n'assistait plus depuis trois ans aux audiences criminelles. C'est donc avec surprise que, quelques jours plus tôt, il avait reçu la visite de Jacques Tardieu. Le lieutenant criminel venait lui demander de remplacer un conseiller.
C'était une sollicitation tout à fait inhabituelle.
*
M. de Tilly était marié depuis presque trois semaines et il nageait toujours dans le bonheur. Son travail s'en ressentait. Il n'était plus retourné dans son minuscule cabinet du Grand-Châtelet et étudiait ses dossiers chez lui pour rester plus souvent avec Armande, son épouse. De ce fait, depuis son mariage, il n'avait plus rencontré ses collègues, pas plus que les lieutenants civil et criminel 10 .
Travailler chez lui n'avait pourtant pas que des avantages, car il subissait une certaine promiscuité dans son appartement du deuxième étage de la rue de la Verrerie puisque Mme de Tilly avait gardé sa cousine Angélique auprès d'elle.
Gaston avait rencontré les deux jeunes femmes deux ans plus tôt, alors qu'il se rendait en Provence avec son ami Louis Fronsac. Elles faisaient partie d'une petite troupe de comédiens qui rejoignait l'Illustre Théâtre de Jean-Baptiste Poquelin à Montpellier, alors qu'eux-mêmes étaient en mission pour le cardinal Mazarin 11 . Ils les avaient sauvées d'une agression commise par une troupe de bandouillers, puis les avaient perdues de vue jusqu'à ce jour d'octobre de l'année passée où ils les avaient reconnues au théâtre du Marais, alors qu'elles jouaient L'Illusion comique de M. Corneille.
Depuis son voyage en Provence, Gaston n'avait jamais oublié Armande, et comme les deux femmes se trouvaient sans logis et qu'il disposait d'un vaste appartement, il avait proposé de les héberger. Certes, il nourrissait des arrière-pensées et Armande n'était point dupe. Mais l'attirance qu'ils éprouvaient l'un pour l'autre était si forte qu'il avait fini par la convaincre de l'épouser, malgré la distance immense qui les séparait : elle, comédienne, et lui, descendant d'une des plus anciennes familles de France.
Il y avait quatre pièces dans
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