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Le Secret de l'enclos du Temple

Le Secret de l'enclos du Temple

Titel: Le Secret de l'enclos du Temple Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean (d) Aillon
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et, au bout de quelques années, les bastions devenus des terrains abandonnés où ne se dressaient plus que des moulins. Celui près du Temple s'appelait donc logiquement le bastion des moulins du Temple.
    On accédait au talus où Mme Dufresne avait remis ses louis au Diable par un chemin qui partait de l'octroi de la porte du Temple. Les duellistes s'y retrouvaient pour des rencontres discrètes, les drôlesses aussi. La nuit, c'est toute une faune louche qui s'y rassemblait. Mme Dufresne avait eu beaucoup chance de rentrer chez elle vivante, songea Gaston.
    Mme Dufresne avait été interrogée deux fois et, à chaque interrogatoire, elle avait reconnu avoir donné de l'or au Démon. Mais, elle avait aussi juré que son mari le savait et qu'il l'avait même encouragée à porter les mille livres, produit de la vente de ses biens. Jamais, assurait-elle dans sa déposition, elle n'aurait osé vendre sa vaisselle sans son accord.
    Ce point était troublant, mais le mari, bon catholique, avait farouchement nié. En revanche, il avait découvert l'impiété de sa femme qui, assurait-il, disait ses prières à l'envers et rejetait le corps du Christ après la messe. Il souhaitait de tout cœur la voir pendue, ou brûlée, et si elle ne l'était pas, il voulait au moins que l'official de Notre-Dame annule son mariage.
    À la question du procureur lui demandant pourquoi il ne l'avait jamais dénoncée, il avait répondu qu'elle était possédée et qu'il avait peur du Malin occupant son corps.
    La virulence de ses accusations avait impressionné le procureur qui avait fait venir un exorciste. Ayant examiné la femme, celui-ci n'avait découvert aucun stigmate diabolique. Madeleine Dufresne avait d'ailleurs juré sur les saints Évangiles ne pas avoir paillardé avec le Démon. Selon le magistrat instructeur, si le sacrilège était évident, au moins s'était-il passé sans débauche ni sabbat.
    Le procureur du roi avait donc jugé la question préparatoire inutile, mais il demandait une peine afflictive sévère : amende honorable, exposition publique au pilori de trois jours, et fustigation d'au moins vingt-quatre coups de fouet avant un enfermement définitif dans le couvent de sainte Pélagie, réservé aux ribaudes. Tout ceci après que Mme Dufresne ait reçu une instruction religieuse d'un docteur de la Sorbonne.
    Néanmoins, si l'assemblée demandait le bannissement du royaume pour sortilège, blasphème et impiété, ou même la pendaison, il ne s'y opposerait pas.
    Ce fut ensuite la délibération. Gaston se leva le premier pour prendre la parole, tant il savait les conseillers moutonniers. Son regard embrassa la salle tendue d'une tapisserie fleurdelisée, puis les conseillers tous très solennels, enfin il salua d'une courtoise révérence M. Dreux d'Aubray qui présidait.
    Il ne voyait dans cette affaire, commença-t-il, ni magie ni sacrilège, mais uniquement bêtise et crédulité. Certes, assura-t-il, il savait par le Malleus Maleficarum 15 que la femme, d'un naturel curieux et bavard, était davantage attirée que l'homme par la sorcellerie. Mais on ne pouvait condamner cette sotte à être enfermée sa vie durant avec des prostituées et des folles parce qu'elle avait cru à un conte rapporté par un habile fripon qui en voulait à ses écus.
    — Allez donc sur le Pont-Neuf ! lança-t-il aux conseillers, et vous verrez des matrones écouter comme elle les bagouts des vendeurs d'orviétan et croire aux merveilles que racontent les bonimenteurs ! L'autre jour, il y en avait un qui promettait une crème rendant belle les laiderons ! (Sourires de l'assistance.) Si la sottise devait conduire en prison, il n'y aurait plus aucune femme en liberté dans cette ville !
    Cette dernière boutade fit pouffer plusieurs conseillers.
    Étant assuré qu'on approuvait son discours, Gaston proposa une flagellation de principe suivie d'une remise en liberté. Si le mari voulait obtenir la séparation, ce serait à lui de conduire un procès au tribunal ecclésiastique, conclut-il, en balayant la salle d'un ferme regard circulaire.
    Dreux d'Aubray grimaça son insatisfaction, tandis que plusieurs commissaires approuvaient du chef ce discours raisonnable. Gaston de Tilly était procureur à l'Hôtel du roi, et fort respecté par ses pairs, aussi, dans la discussion qui suivit pour fixer la peine – la culpabilité étant évidente – le procureur ne fut pas écouté et Dreux d'Aubray, qui préférait suivre

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