Le Secret de l'enclos du Temple
plutôt que précéder, accepta – de mauvais gré, toutefois – la suggestion de son ancien commissaire.
La femme fut condamnée pour blasphème et impiété à douze coups de fouets qui seraient donnés dans la cour de la prison de For-l'Évêque, pour satisfaire l'official, et non publiquement en place de Grève, ou devant chez elle. Sa punition infligée, elle recevrait une instruction religieuse et serait libérée.
*
À la sortie de l'audience, plusieurs des magistrats, qui partageaient la position de Gaston de Tilly, vinrent le congratuler. M. Tardieu, satisfait lui aussi, lui proposa de l'accompagner au For-l'Évêque pour faire connaître sa peine à la prisonnière. À cette occasion, Gaston pourrait lui proposer un assouplissement de son châtiment en échange d'informations qu'elle aurait pu omettre lors de l'instruction. Qui sait si Mme Dufresne ne lui donnerait pas, enfin, un moyen de retrouver le fameux entremetteur du Diable ? suggéra-t-il, mielleusement.
C'est à cet instant que M. Dreux d'Aubray s'approcha de leur groupe. Il était en compagnie de M. Delestrade, le commissaire du quartier du Temple.
— Monsieur de Tilly, une fois de plus vous montrez un cœur trop tendre envers les femmes ! Elles causeront votre perte ! ironisa-t-il sans dissimuler son mécontentement.
— J'espère que vous ne m'en voulez pas trop, M. le lieutenant civil, sourit poliment Gaston, tout en songeant combien Aubray avait la mémoire courte, lui-même ayant failli être déshonoré pour ses relations coupables avec la fille d'un bourreau 16 !
Vingt ans plus tard, Gaston se souviendrait de ce reproche du lieutenant civil quand il découvrirait que Dreux d'Aubray avait été assassiné par sa propre fille : la marquise de Brinvilliers !
— Je vous absous bien volontiers, grimaça Aubray, si vous acceptez de m'apporter votre aide !
Lui aussi ! songea Gaston, amusé.
— Si je peux vous rendre service, vous savez que ce sera volontiers, répondit-il, aimablement.
— Faisons quelques pas, proposa Aubray.
Il prit Gaston par le bras et, abandonnant Tardieu et les quelques conseillers qui l'entouraient, s'avança au milieu de la sombre galerie desservant les salles d'audience. Seul le commissaire Delestrade les accompagna.
— Vous ne connaissez sans doute pas M. Armand de Vignerod, M. de Tilly. C'est un cousin éloigné de la duchesse d'Aiguillon 17 , un jeune homme un peu trop impétueux, fit le lieutenant civil à voix basse. Voilà huit jours, sortant du Temple où il avait rencontré le grand prieur pour un voyage en Méditerranée, il a été pris à partie par un chevalier hospitalier de Malte. Le ton est rapidement monté et les deux hommes ont décidé de vider leur querelle sur le bastion des moulins du Temple.
— Un duel ? s'étonna Gaston. C'est piquant de la part d'un parent du cardinal de Richelieu !
— C'est vrai, mais je vous l'ai dit, il s'agit d'un jeune homme au sang chaud. Quoi qu'il en soit, son adversaire étant un redoutable escrimeur, M. de Vignerod a été touché à la cuisse après quelques passes. Il est tombé et le chevalier de Malte a mis son épée sous sa gorge en lui demandant : « Je te laisse la vie si tu renies Dieu, Jésus et le Saint-Esprit. » M. de Vignerod a refusé et l'autre lui a percé l'autre cuisse, en renouvelant sa proposition.
Gaston était médusé par cette horrible histoire.
— M. de Vignerod, se vidant de son sang, a finalement balbutié : « Je renie ! » Le chevalier de Malte lui a alors coupé la gorge d'un revers en déclarant : « Je tue l'âme et le corps ! »
— Comment savez-vous ça ? articula Gaston, abasourdi.
— Par M. de Vignerod, qui n'est finalement pas mort ! Une des nombreuses garces qui fréquentent la butte a assisté au duel, cachée dans un fourré. Quand le chevalier de Malte est parti, elle s'est approchée pour découvrir que le blessé vivait encore. Elle est allée chercher du secours, et malgré une horrible entaille à la gorge, le garçon a survécu au duel et raconté toute l'histoire à sa tante. Entre parenthèses, la drôlesse a été récompensée de cinquante louis ! Bien sûr, Mme d'Aiguillon en a parlé à Mgr Mazarin qui m'a demandé de trouver rapidement ce furieux chevalier de Malte.
— Cette butte bastionnée des moulins du Temple se révèle décidément un endroit effrayant : quand on n'y rencontre pas le Diable, on y croise des fous. Que fait donc la
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