Le Secret de l'enclos du Temple
purent mieux l'observer. Il avait une épaisse barbe hirsute, rousse comme les cheveux de Gaston. Casqué et cuirassé, il paraissait invincible. Il s'arrêta à dix toises, l'air dédaigneux, sauvage, ne doutant pas de sa force.
Avant qu'il ne s'exprime, Bauer l'interpella en allemand. L'autre parut surpris, puis répondit dans la même langue gutturale. Le dialogue se poursuivit un bref instant, le ton monta et le cavalier fit demi-tour. Gaston épaula sa carabine.
— Non, intervint Bauer en posant une main sur le fusil de Tilly, pas lui ! Vous ne lui feriez aucun mal avec sa cuirasse d'acier lui couvrant aussi le dos. Faites plutôt venir les autres tireurs des hourds. Vite ! Leur assaut est imminent…
Le paysan revenait déjà avec un fusil allemand à longue crosse. Louis reconnut celui de Gaufredi acheté à Aix qui avait permis de résoudre l'énigme du clos Mazarin 161 . Cette arme, déjà ancienne, mais d'une extrême précision sur les longues distances, était un mousquet à rouet que l'on utilisait en appuyant l'extrémité de la crosse sur la joue, et non en se servant d'une fourquine.
— Tu l'as vérifié ?
— Oui, monsieur.
Bauer posa l'arme sur la barrière de bois et visa longuement vers la troupe, pourtant largement hors de portée, que le messager avait presque rejointe.
Louis ne comprenait pas pourquoi le Bavarois agissait ainsi. Pour quelle raison la négociation avait-elle tourné court ? S'il blessait l'un des Allemands, les autres se vengeraient ! Il faillit intervenir, puis se souvint avoir promis à Bauer de lui laisser le commandement des opérations militaires.
Le coup de feu retentit et l'un des Allemands en habit jaune tomba, atteint à la face.
Une immense clameur retentit de la bande, suivie de quelques secondes d'affolement. Puis des ordres gutturaux retentirent, certains mercenaires sortirent des objets du chariot, la horde se mit en marche et, brusquement, chargea.
— Visez uniquement les visages ! cria Bauer aux tireurs. Partout ailleurs, leur plastron, leur casque et leurs bottes les protègent !
Les hommes des autres hourds les avaient rejoints, tous terrorisés, mais ils agirent comme à l'entraînement. D'autant que Bauer allait de l'un à l'autre, les exhortant et surtout les empêchant de fuir. Toutes les armes étaient appuyées sur des fourquines ou sur le parapet, les mèches allumées.
— N'oubliez pas ! Que le visage ! Je vous indiquerai quand tirer !
160 Six setiers parisiens faisaient environ un mètre cube.
161 Voir L'Énigme du clos Mazarin , éditions du Masque.
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U ne vision d'épouvante. La horde de cavaliers se précipitait sur le château dans un martèlement infernal assorti de sauvages hurlements. Par la crainte qu'ils inspiraient, les Allemands savaient briser la résistance de leurs adversaires. À une trentaine de toises, les premiers rangs, armés de pistolets, s'arrêtèrent et tirèrent une salve vers les hourds. Les défenseurs se baissèrent aussitôt, y compris Bauer, mais l'homme à côté de Gaston, paralysé par la peur et sans casque ni cuirasse, s'écroula, atteint au cou.
— Feu ! cria Bauer, immédiatement après.
Mais ceux qui avaient baissé leur tête n'avaient plus le temps de viser. Louis vida ses poumons et se concentra sur un cavalier tout proche qui allait tirer la seconde salve. Plusieurs coups partirent du château, seulement les Allemands bougeaient sans cesse et étaient bien protégés par leurs casques.
Trois tombèrent pourtant, ainsi que deux chevaux, mais leurs cavaliers se relevèrent pour courir vers le château rejoindre des fantassins en train de porter des échelles. Une vingtaine de défenseurs avaient fait feu, la plupart ratant leur cible. Chacun rechargea au plus vite, sauf Bauer qui, par une passerelle, se précipita vers les chambres de l'aile gauche du château, son canon à feu à la main. Gaston, ayant aussi deviné le danger, fit de même en fonçant de l'autre côté.
Déjà les porteurs d'échelles se trouvaient aux pieds des murs et les premiers grimpaient vers les fenêtres sans volets. Quelques cavaliers tiraient s'ils voyaient quelqu'un sur les hourds, d'autres avaient rejoint ceux qui escaladaient. Le vacarme et la confusion régnaient. Un autre paysan tomba, le crâne éclaté. Louis jugea inutile de rester sur la galerie du porche, car la bataille se déplaçait vers les étages. Chacun regagna les hourds où Bauer avait fait entreposer de grosses pierres à
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