Le Secret de l'enclos du Temple
fracas du canon.
*
Bauer avait sélectionné douze hommes parmi les meilleurs tireurs, mais aussi parmi ceux ayant le plus de sang-froid. Il y avait bien sûr Gaston, Desgrais et La Goutte, mais aussi Hardoin, deux palefreniers, le cousin de François, Nicolas – bien qu'il eût très peur ! –, et quatre laboureurs, à la fois jeunes et combatifs. En plus de sa quadruple arquebuse, portée par son ordonnance, il avait emporté une vieille arbalète retrouvée dans l'armurerie de Gaufredi.
La troupe s'engagea dans le bois à quatre pattes pour ne pas se faire voir, puis elle fit un vaste détour dans la forêt. Quand ils revinrent vers la rivière, ils aperçurent les Allemands qui se mettaient en route avec leurs mantelets. Bauer en tête, ils commencèrent à longer l'Ysieux, mais la petite rivière était bien plus haute qu'ils ne l'avaient pensé et, pour ne point être vus, ils durent marcher un moment dans l'eau glaciale. Cela les ralentit beaucoup, car le courant était fort, et ils étaient encore loin quand ils entendirent le grondement du premier boulet.
Un des paysans les entraîna alors dans une sente à travers les joncs, chemin qu'il utilisait pour attraper des canards – un braconnage interdit ! –, et ils avancèrent un peu plus vite. Au quatrième coup de canon, ils se trouvèrent à trente pas du chariot des Allemands, mais ils ne purent se rapprocher plus, un homme de garde surveillant les chevaux.
Gaston n'était pas le meilleur tireur du groupe, mais, tout jeune, son oncle lui avait appris à manipuler une arbalète. Bauer tendit la corde, mit le carrelet et la lui donna. Tilly tira. L'Allemand s'écroula, le carrelet de fer enfoncé dans le bas de sa nuque non protégée par son casque.
Aussitôt, les hommes se précipitèrent.
Trois d'entre eux vidèrent rapidement le chariot de ce qui avait de la valeur, puis étalèrent de la résine et jetèrent de la poudre à canon comme Bauer le leur avait ordonné. Deux autres détachèrent les chevaux. Pendant ce temps, les derniers installaient les fourquines à mousquet autour des arbres, et préparaient les mèches.
Quand tout fut prêt, Bauer mit le feu au chariot. Au même instant un nouveau coup de canon fut ponctué d'une grande clameur de joie. Un morceau du portail venait de s'effondrer, entraînant en partie la galerie au-dessus.
Le chariot en flamme, les chevaux hennirent, se cabrèrent, puis s'enfuirent au galop. Bauer ordonna alors le tir à mitraille sur les Allemands pris à revers. Ils se trouvaient encore assez loin, mais le dessein de Bauer était surtout de les affoler ; deux tombèrent pourtant sous les balles.
Surpris, les assaillants découvrirent leur chariot en feu et leurs chevaux en fuite. Persuadés de l'arrivée d'une troupe royale, plusieurs abandonnèrent leur poste et coururent aux montures. Ceux qui parvinrent à se saisir d'une bête sautèrent en selle et détalèrent, jugeant la partie perdue.
Lorsque la galerie de bois du porche s'était écroulée, il n'y avait heureusement personne dessus, Louis ayant mis ses hommes à l'abri. Mais en entendant la mousquetade, il comprit que la troupe de Bauer attaquait. Aussitôt, entraînant ses paysans derrière lui, il passa le porche et ordonna à son tour de tirer. Sous ce déluge de plomb, trois ou quatre Allemands tombèrent encore et peu ripostèrent avec leurs pistolets, désemparés d'être encerclés. D'ailleurs, la plupart d'entre eux couraient après les chevaux. Une cruelle débandade. Bauer en profita pour s'avancer et dirigea le son canon à feu sur ceux qui formaient un ultime carré. Une nouvelle fois, le carnage fut épouvantable.
Ce furent les derniers échanges. Tous les Allemands valides s'étaient enfuis, avec ou sans chevaux, laissant derrière eux une grosse douzaine de cadavres et de blessés.
*
Quand elle fut certaine qu'il n'y avait plus d'adversaires, la troupe de Bauer s'approcha du champ de bataille couvert d'épaisses flaques de sang.
Au château, Louis avait fait dégager un passage dans le portail effondré pour que les défenseurs puissent rejoindre leurs compagnons. La nuit tombait.
Tout le monde se rassembla autour de la couleuvrine. Quatre Croates blessés geignaient en perdant leur sang par de multiples blessures.
Bauer fit ramasser les armes, envoya chercher ce qu'ils avaient sorti du chariot et ordonna de déshabiller les cadavres et les blessés. Tout ce butin, ainsi que le canon, la poudre et les boulets qui
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