Le Secret de l'enclos du Temple
l'ouverture ?
— Plus que jamais, monseigneur.
Conti se tourna vers Bussy, impavide.
— Rassurez-vous : je tiendrai parole, et vous n'aurez pas tout perdu.
— Je n'en doute pas, monseigneur, répliqua le comte d'un ton égal.
Un maçon alla chercher les toiles et, avec ses compagnons, ils enveloppèrent chaque coffre avant de les porter au chariot et au carrosse.
Dans la cour du Temple, de nombreux badauds tentaient de s'approcher, mais les chevau-légers les tenaient à l'écart. Le prévôt du Temple vint aussi mais le prince lui répliqua qu'il s'agissait d'une affaire d'État et le fit s'éloigner.
Quand tout fut terminé, Conti demanda à son ordonnance de rester avec les maçons et de veiller à ce qu'ils rescellent correctement le gisant. Quant au prêtre, il consacrerait à nouveau la tombe, bien qu'elle fût vide. Une dizaine de soldats demeurèrent pour empêcher l'entrée de l'église jusqu'au départ des maçons.
— M. Fronsac, M. de Bussy, me ferez-vous l'honneur de monter dans mon carrosse ? proposa aimablement le prince.
*
Le convoi se mit en route. Dix chevau-légers devant, puis le chariot, suivi du carrosse, et enfin dix autres chevau-légers. Il prit la direction de la Seine.
Dans la voiture, assis sur la banquette de maroquin rouge, Conti considéra un long moment Fronsac assis en face de lui avant de lui dire :
— Savez-vous, monsieur, que je vous admire ?
Louis hocha la tête poliment.
— Personne d'autre n'aurait pu déchiffrer ce message et trouver ce trésor.
Il baissa les yeux vers le coffre posé au milieu du carrosse.
— Combien croyez-vous qu'il y ait là-dedans, poursuivit-il avec jubilation, deux millions ? Dix millions ?
— Il faudra encore les ouvrir, remarqua Louis. Ils ont l'air fort solides.
— Il est dommage que nous n'ayons pas aussi trouvé les clefs, plaisanta le prince. Mais il y a un bon maître serrurier, rue des Barres, je me suis renseigné. Le concierge de ma maison ira le chercher à notre arrivée.
Décidément, Conti avait tout prévu, songea Louis en tournant la tête vers son compagnon muré dans le silence. Le comte de Bussy restait sombre et amer, et le prince ne chercha pas à le dérider.
Comme Conti devenait muet à son tour, songeant sans doute à sa fortune, Louis regarda par la vitre. Le carrosse avait pris la rue des Quatre-Fils pour gagner la rue Vieille-du-Temple. Ensuite, ce serait tout droit. Afin de s'occuper, il entreprit de renouer une ganse de ses galants noirs défaite. Quand il eut terminé, il surprit le regard amusé du prince de Conti.
La rue Geoffroy-l'Asnier avait longtemps été mal famée, quand elle s'appelait rue Putigneux, « la rue des putes et des teigneux 174 », mais elle était désormais bordée de beaux hôtels et la maison de Conti située face à l'auberge de la Clef-d'Argent . Le convoi s'arrêta devant la cour et seul le chariot y pénétra.
Au concierge, Conti ordonna qu'on entre les coffres, lesquels furent entassés dans la salle principale. Une pièce vide de meubles. Les chevau-légers s'installèrent dans la cour tandis que le carrosse gagnait l'écurie de la Clef -d'Argent . Un des laquais était parti chercher le serrurier.
Le prince, Fronsac et Bussy restèrent seuls dans la grande salle. Conti examinait ses coffres comme un enfant ses jouets. Louis se posait des questions et Rabutin observait avec indifférence les soldats dans la cour.
Le serrurier apparut enfin. Un petit bonhomme rondouillard et couperosé accompagné de deux compagnons et d'un apprenti qui portait deux gros sacs de cuir.
Le prince leur montra les coffres.
— Pouvez-vous les ouvrir rapidement ?
Le serrurier examina le premier et sa serrure, tout en faisant des mimiques contrariées, assorties de grognements et soupirs.
— Vous n'avez pas les clefs, monseigneur ? demanda-t-il enfin.
— Je ne ferais pas appel à vous si je les avais !
— Ce sont de vieilles serrures, la clef déclenche plusieurs ressorts et un long verrou horizontal qui bloque l'ouverture, expliqua l'artisan. Il faudra briser la serrure.
— Brisez donc !
— Mais même brisée, impossible de garantir l'ouverture, monseigneur. Le verrou peut rester bloqué dans ce genre de mécanisme. Il faudra alors faire appel à un forgeron.
— Je croyais que vous étiez maître serrurier ! ironisa le prince, on m'aurait menti ? J'ai peut-être intérêt à quérir quelqu'un d'autre…
— Certainement pas,
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