Le Secret de l'enclos du Temple
d'inquiétude.
— Si la paix est signée aux conditions de Conti, le Parlement restera puissant. Et je vous l'ai dit : dans l'entourage de Mazarin, on vous a déjà condamné. Le Prince ne vous sauvera pas, sauf à se rebeller…
Bussy avait remarqué combien le Prince lui battait froid depuis plusieurs semaines, depuis qu'il s'était plaint de ne pas recevoir une charge de maître de la cavalerie. Oui, à coup sûr Condé l'abandonnerait facilement.
— J'ai une autre proposition à vous faire : vous apportez votre aide à Mazarin afin que la paix soit plus avantageuse pour la Cour, et une clause secrète vous amnistiera.
— Pourquoi le Sicilien ferait-il ça ? s'étonna le comte.
— Le prince de Conti s'oppose au traité, mais il a appris que vous saviez quelque chose sur le trésor du Temple et il veut ce trésor.
— Comment l'a-t-il su ? s'agaça Bussy.
— Cette indiscrétion ne vient pas de moi. Vous avez dû en parler autour de vous, répondit plus sèchement Louis. Quoi qu'il en soit, je pense avant tout à vos intérêts. J'ai rencontré le prince voilà quelques jours et il est prêt à signer la paix si vous lui abandonnez l'or de Molay.
Bussy resta interdit, bouche ouverte. Puis son expression changea, sa bouche frémit et il éclata d'un rire tonitruant.
— Vous êtes un fou, mon ami ! Ne vous avisez pas à ça ! Cet argent est à moi ! Savez-vous qu'on ne me paye plus mes appointements de lieutenant du roi depuis deux ans ? Que je n'ai plus aucun espoir de devenir maréchal de camp ? J'ai besoin de cet argent ! Et il m'appartient !
— Qu'en ferez-vous aux galères ? ironisa sèchement Fronsac. Et qu'arrivera-t-il à votre famille si vous êtes déchu de la noblesse ?
Bussy ne répondit pas, submergé par un douloureux mélange de colère et de culpabilité. Pourquoi s'était-il donc lancé dans cette mauvaise affaire d'enlèvement ?
— Voici comment je vois les choses, poursuivit calmement Louis. Si vous acceptez, je me rendrai à nouveau chez le prince de Conti, et il aura ma promesse que je lui révélerai ce que je sais dès sa signature du traité de paix, en réduisant ses prétentions à un niveau raisonnable. Je traiterai aussi avec Molé, et il sera ajouté au traité une clause secrète d'amnistie envers vous. J'en ai parlé à Mgr Mazarin et j'aurai leur accord à tous deux.
Bussy avait l'expression d'un homme en train de se noyer.
— Combien représente ce trésor ? fit-il d'une voix cassée.
— Je l'ignore. Je ne sais même pas s'il se trouve encore où je le pense.
— Laissez-moi réfléchir une heure, Fronsac, dit Bussy, soudain très calme. Je vais descendre dans la salle.
*
Il sortit et Louis resta à attendre. Il s'était bien douté que Rabutin ne se laisserait pas convaincre aisément. Pourtant le comte revint avant la fin de l'heure.
— Monsieur Fronsac, je vous suis reconnaissant de ce que vous avez fait pour moi. J'accepte, mais j'y mets deux conditions : s'il y a trésor, Conti me payera cent mille livres et nous devrons être tous deux présents lorsqu'il le découvrira.
— Je pense pouvoir lui faire accepter ça, répondit Louis. Dès que vous saurez que la paix est signée, venez à l'étude de mon père, rue des Quatre-Fils. Vous m'y trouverez et nous irons chez M. le prince de Conti.
*
Le lendemain, le 26, Louis retourna à Paris et obtint une entrevue du prince, qui avait pourtant fait savoir qu'il était malade et ne recevait personne. Un prétexte pour faire durer les négociations.
Armand de Conti accepta les clauses de Bussy et les deux hommes signèrent même un acte privé les engageant tous deux. Louis revint ensuite à Saint-Germain et rencontra Molé et son fils, ainsi que Séguier, avec l'aide de Rose.
Les jours suivants, les négociations reprirent. Conti retira la plupart de ses objections, et, le 30 mars, la paix fut signée.
Les accords de Saint-Germain reprenaient le précédent traité, mais avec plus de souplesse sur les contraintes qu'acceptaient les parlementaires. L'amnistie fut accordée dans les termes demandés, et, pour plus grande sûreté, les négociateurs parisiens y firent inscrire nommément le prince de Conti, Longueville, Beaufort, Elbeuf, Bouillon et Turenne. Il y eut aussi plusieurs articles secrets. Conti envoya aussitôt un mot à l'étude Fronsac demandant à Louis de venir le trouver.
Les portes de Paris avaient rouvert et ce dernier attendit Bussy toute la journée
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