Le Secret de l'enclos du Temple
du 31. En fin d'après-midi, il commença à s'inquiéter de ne pas le voir. Pourtant, le comte savait certainement la paix signée et il était convenu qu'il viendrait dès qu'il pourrait entrer dans la ville. Conti allait s'impatienter et penser qu'ils ne respectaient pas leur parole.
Enfin, un peu avant vêpres. Bussy arriva à cheval avec son frère, escorté de quelques gardes du Temple. Une grosse ecchymose déformait le visage et le front du comte.
— Vous avez été blessé ? s'inquiéta Fronsac, en le conduisant, ainsi que son frère, dans la salle jouxtant la bibliothèque qui lui servait de chambre.
— Ce n'est rien ! Et ce retard, dont je m'excuse, n'est pas de mon fait. Je suis parti de Saint-Denis ce matin avec mon frère et deux officiers. À la porte Saint-Martin, le capitaine de la garde, ivre, m'a demandé un billet pour me laisser passer. Je lui ai répliqué que la trêve était publiée et tout billet inutile. Il m'a répondu que je n'entrerais point sans billet. Je me suis donc retiré en disant à cet ivrogne que les Parisiens n'entreraient pas plus à Saint-Denis. À ces paroles, ce coquin s'est mis à crier : Au Mazarin ! Et tous les gens du faubourg sont sortis et nous ont tiré dessus. Je m'étonne encore d'être vivant !
« Les faquins nous ont arrêtés et j'ai reçu un coup de bâton sur la tête. Celui qui commandait la garde du faubourg m'a retiré des mains de ceux qui allaient m'assommer en promettant de me faire pendre, mais s'étant approché de moi, il m'a dit tout bas qu'il nous sauverait la vie. »
Effaré, Louis écoutait le comte, comprenant à quel point la paix demeurait fragile. Bussy poursuivit, avec son insouciance habituelle :
— Pendant que l'on me pansait, le peuple venait me lancer mille injures. Il y eut même un maraud qui, après m'avoir reproché d'être dans les intérêts du Mazarin – le plus grand scélérat du monde, selon lui –, fut assez enragé pour me parler du roi d'une manière à mériter la roue ! Pour le calmer, je me suis joint à lui et nous avons dit pis que pendre du Mazarin. Il en a été fort aise et m'a confié n'avoir jamais vu si honnête homme que moi !
« Enfin, en milieu d'après-midi, le commandant du faubourg ayant prévenu mon oncle, celui-ci est venu nous chercher avec un ordre du prévôt des marchands. On nous a conduits au Temple et je me suis rendu chez vous aussitôt après. »
Louis proposa au comte d'aller sur-le-champ à l'Hôtel de Ville faire savoir à Conti qu'ils étaient disponibles.
*
Arrivé là-bas, le prince était en conférence. Fronsac laissa à son secrétaire un message proposant à Armand de Bourbon de le retrouver devant l'église Sainte-Marie-du-Temple quand il le souhaiterait. Lui-même serait rue des Quatre-Fils, et le comte dans sa maison du Temple. Il conseilla au prince de venir avec des maçons et un prêtre.
Le lendemain, à six heures du matin, un page vint l'aviser que le prince irait à huit heures au Temple. Louis partit aussitôt avec Guillaume.
Le comte, aussi prévenu, attendait déjà devant l'église. Louis lui expliqua rapidement ce qu'il avait découvert – ce qu'il n'avait pas encore eu l'occasion de faire –, mais il n'avait pas fini ses explications quand pénétra dans la cour un carrosse aux armes de Conti attelé de six chevaux blancs et escorté d'une trentaine de chevau-légers. Suivait, cahotante, une charrette tirée par deux mules noires contenant quatre maçons et plusieurs sacs de matériaux et outils.
Un laquais ayant ouvert la porte et baissé l'escalier du carrosse, Conti en descendit, luxueusement vêtu de soie. Derrière suivirent un prêtre et un officier d'ordonnance d'une trentaine d'années.
Les trois hommes passèrent l'arcade en forme de trèfle et pénétrèrent sur le parvis de l'église. Louis et Bussy ôtèrent leur chapeau en s'abîmant dans une profonde révérence.
— C'est donc ici ? s'enquit le jeune prince, dédaigneusement.
— Oui, monseigneur. Puis-je auparavant vous expliquer ce que j'ai découvert ? répondit Louis.
Armand de Conti eut un geste condescendant qui irrita fort Bussy.
— Voici d'abord le texte que le comte a découvert dans sa maison.
Il tendit un papier sur lequel il avait recopié :
TRIG. FER. ARC. IN ARC. 3-4.19.2.14-6.2.20.1.16.20
— C'est en effet incompréhensible, commenta Conti après l'avoir lu plusieurs fois, sans le montrer au prêtre ou à son ordonnance restés à quelques
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