Le secret d'Eleusis
quelque chose : sa vie était déjà finie mais, si elle se débrouillait bien, elle pouvait encore entraîner cet homme dans la mort et enfin venger son mari. Cette perspective la fit sourire.
— Quoi ? demanda Mikhaïl.
— Je me demandais juste si vous étiez confiant, répondit-elle.
— Confiant ?
— Oui, confiant.
Mikhaïl garda le silence pour essayer de deviner le sens de cette question, mais il n’y parvint pas et la curiosité l’emporta.
— À propos de quoi ? s’enquit-il.
Le roulement de tambour des pneus s’accéléra, comme pour suivre le rythme cardiaque de Nadia, de plus en plus rapide. Elle sentit dans les articulations mutilées de ses doigts des élancements encore plus violents. Sa bouche devint pâteuse. Elle sut que c’était le moment.
— La police grecque va facilement remonter jusqu’à vous, dit-elle.
— Nous serons partis depuis longtemps, rétorqua Mikhaïl.
— Vous serez accusé du meurtre d’Édouard et ferez l’objet d’une demande d’extradition.
— On ne m’aura pas comme ça. Je suis un Nergadze.
— Justement. Vous, vous serez à l’abri, du moins, si vous faites profil bas pendant un certain temps. Mais Boris ? Et Davit. Ils savent bien que votre famille va avoir besoin d’un bouc émissaire et qu’ils sont tout désignés. Ils doivent déjà être en train de se demander lequel d’entre eux risque d’être sacrifié. Ils ont donc tout intérêt à sauver leur peau. Or, vous venez justement de les envoyer chercher un artefact qui vaut des millions, même sur le marché noir, de quoi s’acheter une nouvelle identité et commencer une autre vie.
— Boris est au service des Nergadze depuis vingt ans, fit remarquer Mikhaïl sèchement. Il ne nous trahirait jamais.
— Ah ! Dans ce cas, tout va bien.
— Il n’oserait pas faire ça. Et il a recruté Davit lui-même.
— Bien, vous n’avez donc pas d’inquiétude à avoir. Mais vous, que feriez-vous à leur place ?
Mikhaïl s’adossa et s’abîma dans ses pensées. Environ dix secondes s’écoulèrent avant qu’il ne se penche pour taper sur l’épaule de Zaal.
— Appelez Boris, ordonna-t-il. Dites-lui de se garer et de nous attendre. Nous allons nous rendre à l’aéroport ensemble.
Chapitre 33
I
Un homme assis dans un fauteuil roulant devant l’entrée de l’hôpital Evangelismos regardait avec compassion Nico Chavakis monter péniblement les marches du perron.
— Drôle d’idée de mettre un escalier aussi raide devant un hôpital, hein ? lança-t-il.
Nico avait trop de mal à respirer pour répondre. Il se contenta d’acquiescer en souriant. Il entra, vaguement contrarié, en se disant qu’il aurait mieux fait d’envoyer le DVD de Knox par coursier, comme il l’avait envisagé dans un premier temps, au lieu de faire tout ce chemin. Mais il savait que si Augustin était en Grèce, et donc à l’hôpital, c’était parce qu’il avait accepté son invitation à participer au congrès. Par conséquent, il était en partie responsable de son sort. Et même s’il détestait ce genre d’endroit, il se sentait obligé de lui rendre visite.
Il s’épongea le front et la commissure des lèvres, s’efforça de reprendre son souffle et remit son mouchoir dans sa poche avant de se diriger vers l’accueil. Une femme lui indiqua l’unité des soins intensifs tout en le prévenant qu’il ne serait pas autorisé à entrer. Nico s’engagea dans le couloir. Son cœur battait de façon si irrégulière qu’il commença à craindre d’arriver aux soins intensifs sur une civière. Cette idée le fit sourire, malgré la gravité de la situation.
La femme avait raison. Il eut beau insister, les deux policiers postés à l’entrée ne le laissèrent pas passer. Cependant, ils finirent par envoyer quelqu’un chercher Claire. Celle-ci apparut un instant plus tard, visiblement agacée, comme si chaque minute qu’elle passait loin d’Augustin était du temps perdu.
— Excusez-moi, je ne voulais pas vous déranger, s’empressa de dire Nico. Je suis Nico Chavakis, l’organisateur du congrès.
Il haussa les épaules pour montrer qu’il regrettait le tour qu’avaient pris les événements.
— Je suis venu voir comment va Augustin, mais ils ne veulent pas me laisser entrer, expliqua-t-il.
— Ils ne laissent entrer personne, déclara Claire.
— Comment va-t-il ?
— Mal.
La jeune femme secoua la tête, comme pour se reprocher son
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